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autrement dans leur propagande. Ils avaient eux aussi créé de petits centres solidaires, de petites sociétés au sein même des communautés, et ainsi ils allaient de ville en ville, en vagabonds sûrs du lendemain.

À Rome, où leur nombre fut considérable[1], les Juifs étaient aussi unis, aussi attachés que dans les cités d’Orient. « Ils sont liés les uns aux autres par un attachement invincible, une commisération très active », dit Tacite[2]. Grâce à cette union, ils avaient acquis, comme à Alexandrie, une puissance, à tel point que les partis s’appuyaient sur eux et les redoutaient. « Tu sais, dit Cicéron[3], quelle est la multitude de ces Juifs, quelle est leur union, leur entente, leur savoir-faire et leur empire sur la foule des assemblées. »

Quand tomba l’empire romain et que les barbares envahirent le vieux monde, quand le catholicisme triomphant se répandit, les communautés juives ne varièrent pas. Elles étaient des organismes très vivaces, et avaient une vie collective extrêmement active qui leur permit de résister. De plus au milieu du bouleversement général, elles gardèrent cette unité religieuse et cette unité sociale inséparables l’une de l’autre, auxquelles elles furent redevables de leur prospérité. Tous ces membres des synagogues juives s’accrochèrent plus étroitement en-

  1. M. Renan évalue le nombre des Juifs romains, sous Néron, à 20 ou 30,000. (L’antéchrist, p. 7, note 2.)
  2. Tacite : Hist. V, 5.
  3. Cicéron : Pro FLacco, XXVIII.