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C’est de la dispersion que date la solidarité juive. Les Juifs immigrants et colons, qui arrivaient en pays étrangers, se groupaient dans des quartiers spéciaux et, partout où ils abordaient, ils constituaient une société. Leurs communautés étaient réunies autour des maisons de prière qu’ils avaient bâties dans chaque ville où ils avaient formé un noyau ; elles avaient[1], de nombreux et importants privilèges. Les Juifs dispersés avaient été les aides précieux des Grecs dans l’œuvre de colonisation orientale et, chose étrange, ces Juifs qui s’hellénisèrent contribuèrent à helléniser l’Orient ; en retour, ils obtinrent partout à Alexandrie, à Antioche, dans l’Asie Mineure, dans les villes grecques de l’Ionie, de garder leur autonomie nationale et de s’administrer, formèrent dans presque toutes les villes des associations corporatives à la tête desquelles était placé un ethnarque ou un patriarche qui exerçait sur eux, avec l’aide d’un collège d’anciens et d’un tribunal particulier, l’autorité civile et la justice. Les synagogues furent de "vraies petites républiques[2]", elles furent de plus un centre de vie religieuse et publique. Les Juifs se réunissaient dans leurs oratoires non seulement pour y écouter la lecture de la loi, mais encore pour causer de leurs affaires, pour échanger leurs vues pratiques. Toutes les synagogues étaient reliées les unes aux autres, en une vaste association fédérative qui étendit son

  1. Voir chap. II et chap. III.
  2. E. Renan : Vie de Jésus, p. 142.