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put se venger de ses ennemis, de ses tortureurs, de ses bourreaux, que par l’astuce. Pour lui, le vol, la mauvaise foi devinrent des armes, les seules armes dont il lui fut possible de se servir ; aussi il s’ingénia à les aiguiser, à les compliquer et à les dissimuler.

Quand les murailles de ses ghettos s’écroulèrent, ce Juif, tel que l’avaient fait le Talmud et les conditions civiles, législatives et sociales, ne changea pas brusquement. Au lendemain de la révolution, il vécut absolument comme la veille, il ne modifia pas ses coutumes, ses habitudes, et surtout son esprit, aussi promptement qu’on modifia sa situation, Affranchi, il garda son âme d’esclave, cette âme qu’il perd tous les jours, en même temps que s’effacent un à un les souvenirs de son abjection. Aujourd’hui, pour trouver le Juif que nous représentent les antisémites, il faut aller en Russie, en Roumanie, en Pologne où sévissent les lois d’exception, en Hongrie, en Galicie, en Bohême, où dominent les écoles exclusivement hébraïques. Dans l’Europe occidentale, si, par atavisme, les Juifs d’une certaine catégorie, les Juifs marchands et les Juifs agioteurs, sont encore cauteleux, roués, enclins à la tromperie, ils ne le sont pas sensiblement plus que les agioteurs et les marchands chrétiens rendus peu scrupuleux par l’habitude du trafic.

En présence de cette assertion, les antisémites ont une réponse toute prête : les Juifs ont perverti les chrétiens ; si l’on constate, chez la classe possédante, exploitante et trafiquante, la dureté, la rapacité, l’avarice, la déloyauté envers l’exploité, la faute