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la foi, il sème le désordre et perturbe les esprits. Quelle part de vérité y a-t-il dans ces affirmations ? Il n’est pas niable que le Juif croyant ait des préventions contre les chrétiens, mais ces préventions les chrétiens les ont contre lui, bien plus, les catholiques les témoignent aux protestants et réciproquement. Or, précisément le Juif croyant est un conservateur ; M. Anatole Leroy-Beaulieu a eu raison de dire : « Est-ce le Juif polonais, le Juif de Russie ou de Roumanie qui vous semble un artisan de nouveautés ? Regardez-le bien. Est-ce lui ou ses pareils qui ont pu pousser le monde moderne dans des routes non frayées ? Est-ce lui que nous soupçonnons de mettre en péril la civilisation chrétienne ? Le malheureux ! il est pour cela trop abaissé, il est trop pauvre, il est trop ignorant, il est trop indifférent à nos querelles religieuses ou politiques. Interrogez-le : il ne vous entendra point. Mais ce n’est pas tout ; il est pour cela trop Juif, trop religieux, trop dévot, trop traditionnel, trop conservateur en un mot[1]. » Dans nos pays occidentaux, le Juif pratiquant témoigne aussi de ce conservatisme, il tient aux lois, aux règles de la société, il sait concilier son judaïsme avec un patriotisme, un chauvinisme même, qui est excessif parfois et, comme nous venons de le voir, c’est une minorité de Juifs émancipés qui travaille à la Révolution. Ces Juifs émancipés, s’ils abandonnèrent leur croyances, ne purent, malgré cela, dispa-

  1. Anatole Leroy-Beaulieu : Israël chez les nations, Paris, 1893, p. 72 et suiv.