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antisémite et prospère, établie sur de solides principes moraux, politiques et religieux, désormais cette société a bouleversé les anciennes conceptions éthiques, elle n’a plus les idées salutaires et bonnes sur l’autorité et sur la hiérarchie nécessaires pour sauvegarder les associations humaines ; or, dans l’ancienne société, le Juif n’était pas admis, il est au contraire largement accueilli dans la seconde. On a vu là un rapport de cause à effet, et l’on a attribué aux Juifs l’œuvre des âges, l’œuvre des mille efforts qui concourent à modifier chaque nation.

On ne s’est pas borné à cette accusation. Le Juif n’est pas seulement un destructeur, a-t-on affirmé, c’est un bâtisseur aussi ; orgueilleux, ambitieux, autoritaire, il cherche à ramener tout à lui. Il ne se contente pas de déchristianiser, il judaïse ; il détruit la foi catholique ou protestante, il provoque à l’indifférence, mais il impose à ceux dont il ruine les croyances sa conception du monde, de la morale et de la vie ; il travaille à son œuvre séculaire : l’anéantissement de la religion du Christ.

Les antisémites chrétiens ont-ils raison ou se trompent-ils ; le Juif est-il toujours haineusement antichrétien — je dis haineusement, car il est antichrétien par définition et parce qu’il est Juif, comme il est antimusulman, comme il s’oppose à tout ce qui n’est pas son principe — a-t-il gardé ses antiques sentiments ? Il les a gardés partout où, précisément, il est en dehors de la société, partout où il vit à part, dans des ghettos, sous la direction de ses docteurs qui