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Durant ces années, leurs banquiers, leurs industriels, leurs poètes, leurs écrivains, leurs tribuns, mus par des idées bien différentes d’ailleurs, concoururent au même but. « On les vit, dit Crétineau-Joly[1], barbe inculte et le dos voûté, l’œil ardent, parcourir en tous sens ces malheureuses contrées. Ce n’était pas la soif du luxe qui, contrairement à leurs habitudes, leur prêtait une pareille activité. Ils s’imaginaient que le christianisme ne résisterait pas aux innombrables attaques auxquelles la société se trouvait en butte et ils accouraient demander à la croix du Calvaire une réparation de 1840 années de souffrance méritées. »

Ce n’était pourtant pas ce sentiment qui poussait Moses Hess, Gabriel Riesser, Heine et Boerne en Allemagne, Manin en Italie, Jellinek en Autriche, Lubliner en Pologne, bien d’autres encore, qui combattirent pour la liberté, et voir dans cette universelle agitation, qui secoua l’Europe jusqu’après 1848, l’œuvre de quelques Juifs désireux de se venger du Galiléen est une conception étrange ; mais quelle que soit la fin poursuivie, fin intéressée ou fin idéale, les Juifs furent à cette époque parmi les plus actifs, les plus infatigables propagandistes. On les trouve mêlés au mouvement de la Jeune Allemagne ; ils furent en nombre dans les sociétés secrètes qui formèrent l’armée combattante révolutionnaire, dans les loges maçonniques, dans les groupes de la Char-

  1. Crétineau-Joly : Histoire du Sonderbund, Paris, 1850, p. 195.