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mais ils ne prirent précisément de l’importance que lorsque dominèrent les théories qu’ils représentaient et loin d’être les causes de cet état d’esprit qui fonda la Révolution, ils en furent un des effets, effet qui retentit à son tour sur la marche des événements.

Quels furent maintenant les rapports des Juifs et de ces sociétés secrètes ? Voilà qui n’est pas facile à élucider, car les documents sérieux nous manquent. Évidemment ils ne dominèrent pas dans ces associations, comme le prétendent les écrivains que je viens de nommer, ils ne furent pas « nécessairement l’âme, le chef, le grand-maître de la maçonnerie » ainsi que l’affirme Gougenot des Mousseaux[1]. Il est certain cependant qu’il y eut des Juifs au berceau même de la franc-maçonnerie, des Juifs kabbalistes, ainsi que le prouvent certains rites conservés ; très probablement, pendant les années qui précédèrent la Révolution française, ils entrèrent en plus grand nombre encore dans les conseils de cette société, et fondèrent eux-mêmes des sociétés secrètes. Il y eut des Juifs autour de Weishaupt, et Martinez de Pasqualis, un Juif d’origine portugaise, organisa de nombreux groupes illuministes en France et recruta beaucoup d’adeptes[2] qu’il initiait au dogme de la réintégration. Les loges martinezistes furent mystiques, tandis que les autres ordres de la franc-maçonnerie étaient plutôt rationalistes ; ce qui peut

  1. Gougenot des Mousseaux : loc. cit.
  2. M. Matter : Saint Martin et le philosophe inconnu, Paris, 1862.