Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

positivistes si je puis dire. Nous avons un modèle de ces derniers dans le Contre Celse d’Origène ; or nous savons que Celse avait emprunté ses objections rationalistes aux Juifs de son temps, et j’ai montré dans ce livre[1] l’importance de la littérature des controversistes du Moyen Âge. Si on les étudiait de près, on trouverait chez eux toutes les critiques des exégètes de notre époque. On pourrait toutefois faire observer, pour contester le rôle révolutionnaire des Juifs, que la plus grande partie de leur exégèse ne pouvait s’adresser qu’aux Juifs et que, par conséquent, elle n’était pas perturbatrice, d’autant que l’Israélite savait la concilier avec la minutie de ses pratiques et l’intégrité de sa foi. Ceci n’est point toutefois exact, et les doctrines juives sortirent de la synagogue de deux façons différentes ; d’abord les Juifs purent, grâce aux controverses publiques, exposer à tous leurs idées ; ensuite ils furent les propagateurs de la philosophie arabe et, au douzième siècle, ses commentateurs lorsqu’on condamna dans les mosquées Al Farabi et Ibn Sina, et lorsque les sectes musulmanes orthodoxes livrèrent au bûcher les écrits des Aristotéliciens arabes. Les Juifs dès lors traduisirent en hébreu les traités des Arabes et ceux d’Aristote, et ce sont ces traductions, à leur tour traduites en latin, qui permirent aux scolastiques, dont les plus renommés « tels qu’Albert le Grand et saint Thomas d’Aquin, étudièrent les œuvres d’Aristote dans les

  1. voir chap. VIII.