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religieuse[1] ». Au onzième siècle, Ibn Gebirol, l’Avicebron des scolastiques, donna par sa Source de vie une impulsion à la philosophie arabe, et j’ai parlé de Maïmonide et de son œuvre.

Ce sont ces rationalistes et ces philosophes qui, du dixième au quinzième siècle, jusqu’à la Renaissance, furent les auxiliaires de ce qu’on pourrait appeler la révolution générale dans l’humanité. Ils aidèrent, en une certaine mesure, l’homme à se débarrasser des liens religieux et, s’ils n’eurent peut-être pas, aux débuts de cette période, la conscience très nette de leur œuvre, ils ne l’accomplirent pas moins. En ce temps où le catholicisme et la foi chrétienne étaient le fondement des états, les combattre ou fournir des armes à ceux qui les attaquaient, c’était faire œuvre de révolutionnaire. Or, des théologiens qui en appelaient à la raison pour soutenir des dogmes ne pouvaient aboutir qu’au contrôle de ces dogmes, et par conséquent à leur ébranlement. L’exégèse, le libre examen sont fatalement destructeurs, et ce sont les Juifs qui ont créé l’exégèse biblique, ce sont eux qui, les premiers, ont critiqué les symboles et les croyances chrétiennes. Déjà, les Juifs palestiniens avaient réprouvé l’incarnation qu’ils regardaient comme une déchéance divine, par conséquent impossible, idée reprise plus tard par Spinoza dans son Traité théologico-politique. La polémique juive antichrétienne se basa là-dessus et sur des arguments

  1. S. Munk : Mélanges de philosophie juive et arabe (Paris, 1859), p. 478.