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amour des voluptés ; tout ce qui contribue à l’élever matériellement au-dessus de ses frères ; tout ce qui peut lui donner cet orgueil impie de se croire fait d’une autre poussière que le pasteur des montagnes qui paît ses brebis et craint Dieu ; tout ce qui lui fait oublier cette vérité divine : les hommes sont égaux entre eux, puisqu’ils sont les enfants de Iahvé qui a prétendu donner à chacun de ses sujets une part égale de la terre qu’ils foulent, une part égale de jouissances et de bonheurs.

La haine de l’Israélite contre le riche fauteur d’injustice se compliquait d’une haine contre le riche négateur des prescriptions égalitaires. Comme il ne pouvait attribuer une origine divine à la richesse, comme il ne pouvait croire que Iahvé la distribuait, rompant ainsi le pacte qui l’engageait avec sa nation, l’Hébreu décrétait que toute fortune venait du mal, du péché ; il disait que tout bien était mal acquis. Pour accorder ses idées de justice et d’équité avec la réalité qui lui montrait David prenant la femme d’Uri, Ahab spoliant Naboth, il déclarait que la prospérité du méchant était un pur mirage, qu’elle durait peu ; que, tôt ou tard, le Sabaoth redoutable étendait sa droite sur ceux qui violaient sa loi, et les faisait rentrer dans le néant.

Toutefois, les pauvres, les anavim, ne voyaient pas leurs désirs s’accomplir ; toujours devant eux, narguant leur misère, les riches s’étalaient. Alors ils attribuaient à leurs propres péchés la détresse dont ils étaient affligés ; ils reportaient leurs espérances