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aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux[1]." Sur ce point, la doctrine chrétienne sera purement juive, nullement hellénique, et c’est parmi les ébionim que Jésus trouvera ses premiers partisans.

Donc, la conception que les Juifs se firent de la vie et de la mort fournit le premier élément à leur esprit révolutionnaire. Partant de cette idée que le bien, c’est-à-dire le juste, devait se réaliser non pas outre-tombe — puisque outre-tombe il y a le sommeil, jusqu’au jour de la résurrection du corps — mais pendant la vie, ils cherchèrent la justice et, ne la trouvant jamais, perpétuellement insatisfaits, ils s’agitèrent pour l’avoir.

Ce fut leur conception de la divinité qui leur donna le second élément. Elle les conduisit à concevoir l’égalité des hommes, elle les mena même à l’anarchie ; anarchie théorique et sentimentale, parce qu’ils possédèrent toujours un gouvernement, mais anarchie réelle, car ce gouvernement, quel qu’il ait été, ils ne l’acceptèrent jamais de bon cœur.

Soit que les Juifs aient honoré Iahvé comme leur dieu national, soit qu’ils se soient élevés avec les prophètes jusqu’à la croyance au Dieu un et universel, ils n’ont jamais spéculé sur l’essence divine. Le judaïsme ne se posa aucune des questions métaphysiques essentielles soit sur l’au-delà, soit sur la nature de Dieu : « Les sublimes spéculations n’ont

  1. Marc, X, 25.