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lence et de sang ; il est fourbe, perfide, orgueilleux, il fait le mal sans motif ; il est méprisable, car il exploite, opprime, persécute et dévore le pauvre. Mais son grand crime c’est qu’il ne rend pas la justice ; c’est qu’il a des juges corrompus qui condamnent a priori le pauvre[1].

Excités par les paroles de leurs poètes, les ébionim ne s’endormaient pas dans leur misère, ils ne se plaisaient pas dans leurs maux, ils ne se résignaient pas à la pauvreté. Au contraire, ils rêvaient au jour qui les vengerait des iniquités et des opprobres, au jour où le méchant serait abattu et le juste exalté : au jour du Messie. L’ère messianique, pour tous ces humbles, devait être l’ère de la justice. N’était-ce pas en parlant de ce temps qu’Isaïe avait dit : « Pour magistrature, je te donnerai paix, pour gouvernement, justice. On n’entendra plus le bruit des pleurs. Celui qui bâtira une maison y demeurera ; celui qui plantera un verger en mangera le fruit. On ne bâtira plus pour qu’un autre jouisse ; on ne plantera plus pour qu’un autre consomme[2] »

Quand Jésus viendra, il répétera ce qu’ont dit les ébionim psalmistes il dira : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés[3] » ; il anathématisera les riches, et s’écriera : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une

  1. Ps. XXVI, 10 ; LXXXII, 2, 3 ; LVIII, 2 ; XXII ; XXXVIII ; LXIX ; CII, 1, 12 ; CVII, etc.
  2. Isaie, I, 17.
  3. Matth., V, 6