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les mêmes intérêts que lui ; de même l’humanité civilisée acquiert des caractères semblables, bien que chaque nation garde sa physionomie. Les relations entre les peuples, chaque jour plus fréquentes, amènent une communion plus intime. La science, l’art, la littérature, deviennent de plus en plus cosmopolites. A côté du patriotisme se place l’humanitarisme, à côté du nationalisme se place l’internationalisme, et la notion d’humanité acquerra bientôt plus de force que la notion de patrie, qui se modifie et perd de cet exclusivisme que les égoïstes nationaux veulent perpétuer. De là antagonisme entre les deux tendances. A l’internationalisme, déjà si puissant, le patriotisme s’oppose avec une violence inouïe. Le vieil esprit conservateur s’exalte ; il se dresse contre le cosmopolitisme qui le vaincra un jour ; il combat avec âpreté ceux qui le favorisent, et c’est là encore une cause d’antisémitisme.

En effet, bien que souvent extrêmement chauvins, les Juifs sont d’essence cosmopolite ; ils sont l’élément cosmopolite de la famille humaine, dit Schœffle. Cela est fort juste, car ils possédèrent toujours au plus haut point cette extrême facilité d’adaptation, signe du cosmopolitisme. A leur arrivée dans la Terre Promise, ils adoptèrent la langue de Chanaan, après soixante-dix ans passés en Babylonie, ils eurent oublié l’hébreu et rentrèrent à Jérusalem en parlant un jargon araméen ou chaldaïque ; au Ier siècle avant et après l’ère chrétienne, la langue hellénique pénétra les juiveries. Dispersés, les Juifs