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russes qui les dénationalisent ; en Autriche, les Allemands tentent d’absorber les Tchèques ; en Hongrie « les orphelins slovaques sont enlevés du pays où on parle leur langue et transférés dans des comitats magyars »[1] ». Si ces éléments hétérogènes ne se laissent pas absorber, il y a lutte, lutte souvent violente, et qui se manifeste de multiples façons : depuis la persécution jusqu’à parfois l’expulsion.

Or, au milieu de toutes les nations de l’Europe, les Juifs existent comme une communauté confessionnelle, croyant à sa nationalité, ayant conservé un type particulier, des aptitudes spéciales et un esprit propre. Les nations, en luttant contre les éléments hétérogènes qu’elles contenaient, furent conduites à lutter contre les Juifs, et l’antisémitisme fut une des manifestations de cet effort que firent les peuples pour réduire les individualités étrangères.

Pour réduire ces individualités, il faut les absorber ou les éliminer, et le procès de réduction sociale n’est pas sensiblement différent du procès de réduction physiologique. A l’origine, lorsque les bandes humaines hétérogènes couvrirent le globe, elles luttèrent pour l’existence et pensèrent ne pouvoir se développer qu’en supprimant l’étranger qui coexistait à leurs côtés. Le cannibalisme est au premier degré de l’élimination. Quand les nations se formèrent par la fusion et l’homogénéisation des hordes hétérogènes, elles tendirent plutôt à absorber l’étranger,

  1. J. Novicow : Les luttes entre sociétés humaines, Paris, 1893.