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par le docteur Franckel ; en Russie, en Galicie, des sectes, telles que celle des Néo-Hassidim, s’opposent encore à toutes les tentatives faites pour civiliser les Juifs. Dans tous ces pays une minorité seulement échappe à l’esprit talmudique, mais la masse persiste dans son isolement et, quelque grands que soient son abjection et son abaissement, elle se tient toujours pour le peuple choisi, la nation divine.

Chez les Juifs occidentaux, chez les Juifs de France, d’Angleterre, d’Italie, chez une grande partie des Juifs allemands[1], cette aversion intolérante pour l’étranger a disparu. Le Talmud n’est plus lu par ces Juifs, et la morale talmudique, du moins la morale nationale du Talmud, n’a plus de prise sur eux. Ils n’observent plus les six cent treize lois, ils ont perdu l’horreur de la souillure, horreur qu’ont gardée les Juifs orientaux ; la plupart ne savent plus l’hébreu, ils ont oublié le sens des antiques cérémonies ; ils ont transformé le judaïsme rabbinique en un rationalisme religieux ; ils ont délaissé les observances familières, et l’exercice de la religion se réduit pour eux à passer quelques heures par an dans une synagogue, en écoutant des hymnes qu’ils n’entendent plus. Ils ne peuvent pas se rattacher à un dogme, à un symbole : ils n’en ont pas ; en abandonnant les pratiques talmudiques, ils ont abandonné ce qui faisait leur unité, ce qui contribuait à former leur esprit. Le Talmud avait formé la nation juive après

  1. Je mets à part les Juifs des provinces polonaises de l’Allemagne.