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les circonstances, chaque fois la férocité antihumaine se manifeste. Chez les Juifs, dit-on encore, ces préceptes ne représentèrent que des opinions personnelles, on trouverait à côté d’eux des formules morales, aussi humaines, aussi fraternelles, aussi pitoyables que les formules chrétiennes. C’est exact, et dans l’esprit des Pères qui écrivirent ces sentences, réunies dans le Pirké Aboth[1], ces sentences humanitaires eurent un sens général, mais le Juif du Moyen Âge, qui les trouva dans son livre, leur attribua un sens restreint ; il les appliqua à ceux de sa nation. Pourquoi ? parce que ce livre, le Talmud, contenait aussi les préceptes égoïstes, féroces et nationaux dirigés contre les étrangers. Conservés dans ce livre dont l’autorité fut immense, dans ce Talmud qui fut pour les Juifs un code, expression de leur nationalité, un code qui fut leur âme, ces affirmations, cruelles ou étroites, acquirent une force sinon légale, du moins morale. Le Juif talmudiste qui les rencontra leur attribua une valeur permanente, il ne les appliqua pas seulement aux ennemis grecs, romains et minéens, il les appliqua à tous ses ennemis, il en fit une règle générale vis-à-vis des étrangers à son culte, à sa loi, à ses croyances. Un jour vint où le Juif en Europe n’eut qu’un ennemi : le chrétien, qui le persécutait, le poursuivait, le massacrait, le brûlait, le martyrisait. Il ne put donc pas éprouver pour le chrétien un sentiment bien tendre, d’autant plus que

  1. Pirké Aboth (Traité des Principes) avec traduction française et notes, par A. Créhange (Paris, Durlacher).