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orgueilleux et égoïstes, mais nous sommes obligés de constater l’existence d’unités historiques, c’est-à-dire de nations. A l’idée de race, nous substituons l’idée de nation, et encore faut-il nous expliquer car ce siècle a fait reposer sa croyance aux nationalités sur sa croyance à la race, à la race innée.

Qu’entend-on communément par nation ? Selon Littré, une nation est une « réunion d’hommes habitant un même territoire, soumis ou non à un même gouvernement, ayant depuis longtemps des intérêts assez communs pour qu’on les regarde comme appartenant à la même race ». À cette définition de la nation, Littré oppose celle du peuple : « Multitude d’hommes qui, bien que n’habitant pas le même pays, ont une même religion et une même origine. » Selon Mancini[1], la nation est une « communauté naturelle d’hommes unis par le pays, l’origine, les mœurs, la langue, et ayant conscience de cette communauté. » D’après Bluntschi[2] on peut définir le peuple : « La communauté de l’esprit, du sentiment, de la race, devenue héréditaire dans une masse d’hommes de professions et de classes différentes ; masse qui, abstraction faite d’un lien politique, se sent unie par la culture et l’origine, spécialement par la langue et les mœurs, et étrangère aux autres. » Quant à la nation, toujours d’après Bluntschi, c’est

  1. Mancini : Della Nazionalita come fondamenta del diritto delle genti — Naples, 1873.
  2. Bluntschli : Théorie générale de l’État (traduction A. de Riedmatten), Paris, 1891.