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avec eux, ni à toutes celles qu’ils trouvèrent établies partout où ils séjournèrent, peuplades de races inconnues et d’origine incertaine, tribus obscures et ignorées dont le sang coule encore dans les veines des hommes qui se disent les hoirs des légendaires et nobles aryas, comme le sang des jaunes Dacyas et des noirs Dravidiens coule sous la peau des blancs Aryo-Indous.

Mais pas plus que l’idée de la supériorité aryenne, l’idée de la supériorité sémitique n’est justifiée, et cependant on l’a soutenue avec autant de vraisemblance. Il s’est rencontré des théoriciens pour affirmer, et même pour prouver, que les Sémites étaient la fleur de l’humanité et que ce qu’il y avait de bon dans l’aryanisme venait d’eux ; on trouvera assurément un jour, si ce n’est déjà fait, quelque ethnologue dont le patriotisme démontrera, avec la même évidence, que le Touranien doit occuper le plus haut rang dans l’histoire et dans l’anthropologie.

Aujourd’hui, ceux qui se considèrent comme la plus haute incarnation du sémitisme, les Juifs, contribuent à perpétuer cette croyance à l’inégalité et à la hiérarchie des races. Le préjugé ethnologique est un préjugé universel, et ceux-là mêmes qui en souffrent, en sont les conservateurs les plus tenaces. Antisémites et philosémites s’unissent pour défendre les mêmes doctrines, ils ne se séparent que lorsqu’il faut attribuer la suprématie. Si l’antisémite reproche au Juif de faire partie d’une race étrangère et vile, le Juif se dit d’une race élue et supé-