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intellectuel et moral, mais ils ne restèrent pas inactifs. Les sémites transformèrent le génie hellène, c’est-à-dire qu’ils lui permirent de se modifier, en introduisant en lui des éléments étrangers. L’histoire des mythes helléniques est à ce point de vue curieuse et instructive, et en comparant Héraclès à Melqarth, ou Aschtoreth à Aphrodite on saisira cet apport sémitique ; de même, les coupes et les vases phéniciens, exportés en grand nombre par les commerçants de Tyr et de Sidon, en servant de modèle aux artistes grecs, permirent au subtil esprit des Ioniens et des Doriens d’interpréter les mythes dont ils offraient les images et l’imagerie phénicienne aida beaucoup la mythologie iconologique grecque[1]. Ce sont encore les Phéniciens qui apportèrent aux Hellènes l’alphabet emprunté aux hiéroglyphes de la vieille Égypte ; ils les instruisirent dans l’industrie minière et dans le travail des métaux, comme l’Asie Mineure, élève de l’Assyrie, les initia à la sculpture, et nous avons encore des monuments qui témoignent de cette influence, ainsi les lions de l’Acropole de Mycènes et ces déesses helléniques qui ont conservé le type des terres cuites babyloniennes. Les Grecs, avec leur sens merveilleux de l’harmonie, de la beauté, avec leur science de l’ordre, de l’orchestration, si je puis dire, malaxèrent ces idées orientales, les transformèrent et les

  1. Voir Clermont-Ganneau : L’imagerie phénicienne et la Mythologie iconologique chez les Grecs, Paris, 1880 ; et Les Antiquités orientales, Paris, 1890.