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Ils se rangèrent autour du philosophe de la bourgeoisie, autour de Saint-Simon ; ils travaillèrent à la diffusion et même à l’élaboration de sa doctrine. Saint-Simon avait dit[1] : « Il faut confier l’administration du pouvoir temporel aux industriels » et « Le dernier pas qui reste à faire à l’industrie est de s’emparer de la direction de l’État et le problème suprême de nos temps est d’assurer à l’industrie la majoritédans les Parlements. » Il avait ajouté[2] « La classe industrielle doit occuper le premier rang, parce qu’elle est la plus importante de toutes, parce qu’elle peut se passer de toutes les autres et qu’aucune autre ne peut se passer d’elle ; parce qu’elle subsiste par ses propres forces, par ses travaux personnels. Les autres classes doivent travailler pour elle, parce qu’elles sont ses créatures et qu’elle entretient leur existence ; en un mot, tout se faisant par l’industrie, tout doit se faire pour elle. » Les Juifs contribuèrent à réaliser le rêve saint-simonien ; ils se montrèrent les plus sûrs alliés de la bourgeoisie, d’autant qu’en travaillant pour elle ils travaillaient pour eux et, dans toute l’Europe ils furent au premier rang du mouvement libéral qui, de 1815 à 1848, acheva d’établir la domination du capitalisme bourgeois.

Ce rôle du Juif n’échappa pas à la classe des capitalistes fonciers et nous verrons que ce fut là une des causes de l’antijudaïsme des conservateurs, mais

  1. Saint-Simon : Du Système industriel, Paris, 1821.
  2. Saint-Simon : Catéchisme des Industriels, Ier Cahier, Paris, 1823.