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chargé de tous les péchés d’une société qui ne valait pas mieux que lui, il fut en butte aux colères populaires. Le peuple, s’il massacra le plus souvent le déicide, se rua aussi sur le rogneur de ducats ; son antijudaïsme fut non seulement religieux mais encore social. Il en fut de même pour l’antijudaïsme scripturaire. Si quelques évêques et quelques écrivains ecclésiastiques se bornèrent à défendre les symboles de leur foi contre l’exégèse juive, s’ils luttèrent contre cet esprit juif, terreur de l’Église qui en était pourtant profondément imprégnée, d’autres suivirent l’exemple des Pères qui avaient tonné contre la rapacité judaïque et la rapacité des riches en général. Aux traités théologiques qu’ils publièrent, ils ajoutèrent des réquisitoires destinés à combattre les prêteurs sur gage, les hommes qui vivaient de l’usure. Agobard[1], Amolon[2], Rigord[3], Pierre de Cluny[4], Simon Maïol[5], furent ces antijuifs. Ils furent de ceux que l’opulence des Juifs révoltait davantage que leur impiété, qui étaient plus scandalisés de leur luxe que de leurs blasphèmes. Certes, pour eux les Juifs sont les plus détestables adversaires de la vérité, les pires des incrédules[6] ; ils

  1. De Insolentia Judoerum, (Patrologie latine, t.  CIV).
  2. Epistola seu liber Contra Judoeos (Patrologie latine, t. CXVI).
  3. Gesta Philippi Augusti, 12, 13, 14, 15, 16.
  4. Tractatus adversus Judæorum inveteratam duritiam (Bibliothèque des Pères latins, Lyon).
  5. Les Jours caniculaires (Dierum canicularium) traduits par F. de Rosset (Paris, 1612).
  6. Agobard: loc. cit.