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persuasion. Dans la littérature antijuive, comme dans l’histoire des persécutions, ces convertis juifs jouèrent un très grand rôle. Ils se montrèrent contre leurs coreligionnaires les plus violents les plus injustes, les plus déloyaux des adversaires. C’est là la caractéristique générale des convertis, et les exemples d’Arabes convertis au christianisme ou de chrétiens s’étant voués à l’Islam, témoignent que cette règle souffre bien peu d’exceptions.

Une foule de sentiments concouraient à entretenir chez les apostats cette humeur atrabilaire. Ils désiraient avant tout donner des gages de leur sincérité ; ils sentaient qu’une sorte de suspicion les entourait à leur entrée dans le monde chrétien, et l’affectation de piété qu’ils affichaient ne leur paraissait pas suffisante pour dissiper les soupçons.

Ils ne craignaient rien tant que d’être accusés de tiédeur, ou de sympathie envers leurs anciens frères, et la façon dont l’Inquisition traitait ceux qu’elle considérait comme relaps, n’était pas faite pour diminuer la crainte que ressentaient les prosélytes. Aussi simulaient-ils un excès de zèle, que soutenait chez beaucoup, sinon chez tous, une foi réelle. Quelques-uns d’entre eux même, persuadés d’avoir trouvé le salut dans leur conversion, s’efforçaient de gagner leurs coreligionnaires aux croyances chrétiennes ; parmi ceux-là l’Église trouva plusieurs de ses plus intrépides et de ses plus écoutés convertisseurs[1]. Ils ne

  1. Pour la littérature antisémitique des apostats juifs, voir Wolf : Bibl Hebr., t. I.