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même, c’est elle qui fit les Kakers, les Méthodistes, les Piétistes et surtout les Millénaires, les Hommes de la Cinquième Monarchie, qui avec Venner à Londres, rêvaient la république et s’alliaient avec les Niveleurs de John Lilburn.

Aussi à ses débuts en Allemagne le protestantisme chercha-t-il à gagner les Juifs et, à ce point de vue, l’analogie est singulière entre Luther et Mahomet. Tous deux tirèrent leurs doctrines des sources hébraïques, tous deux désirèrent faire approuver par les débris d’Israël les dogmes nouveaux qu’ils dressaient. Ce n’est pas là, en effet, un des côtés les moins curieux de l’histoire de cette nation. Tandis que le Juif est détesté, méprisé, avili, couvert de crachats et de boue, souillé d’outrages, martyrisé, enfermé et frappé, c’est de lui que le catholicisme attend le règne final de Jésus, c’est le retour des Juifs que l’Église espère et demande, ce retour qui pour elle sera le suprême témoignage de la vérité de ses croyances, et c’est aussi aux Juifs que les luthériens et les calvinistes en appellent. Il semble même que ces derniers eussent été pleinement convaincus de la justice de leur cause si les fils de Jacob étaient venus à eux. Mais les Juifs étaient toujours le peuple obstiné de l’Écriture, le peuple à la nuque dure, rebelle aux injonctions, tenace, intrépidement fidèle à son dieu et à sa loi.

La prédication de Luther fut vaine, et le colérique moine publia contre les Juifs un terrible pamphlet[1].

  1. Les Juifs et leurs mensonges, — Wittemberg, 1558.