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et tandis que, d’une part, l’Église faisait tous ses efforts pour attirer le Juif à elle, d’autre part les barons et les dignitaires ecclésiastiques le retenaient dans sa condition. S’il se convertissait, il perdait ses biens au profit du seigneur désireux de compenser la perte des taxes qu’il ne pouvait plus percevoir sur le converti et ainsi, l’intérêt maintenait le Juif dans son ergastule. On le regardait comme une bête, une bête immonde et utile, moins qu’un chien ou qu’un pourceau auxquels pourtant le péage personnel l’assimilait ; c’était l’éternel maudit, celui sur lequel il était licite, méritoire même, de faire retomber les coups qu’avait supportés le Crucifié dans le prétoire de Pilate.

Lorsque s’ouvrit le seizième siècle, le seul pays dans lequel les Juifs pouvaient prétendre à la dignité d’homme venait de leur être fermé. La prise de Grenade et la conquête du royaume maure avaient enlevé aux Juifs leur dernier refuge. Le jour (le 2 janvier 1492) où Ferdinand et Isabelle entrèrent dans la cité musulmane, l’Espagne tout entière fut chrétienne. La guerre sainte des Espagnols contre les infidèles était close victorieusement, et les Maures qui subsistaient, malgré la sécurité qui leur avait été garantie, furent cruellement persécutés. Comme la victoire avait excité le fanatisme d’une part, et le sentiment national de l’autre, l’Espagne, délivrée des Maures, voulut se débarrasser des Juifs, que le roi et la reine catholique expulsèrent l’année même de la chute de Boabdil, tandis que l’Inqui-