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à cet abaissement était très restreint, et les Juifs qui avaient su garder leur cerveau libre et leur esprit fier étaient en minorité infime. C’étaient pour la plupart des médecins, car la médecine était la seule science que permît le Talmud ; en même temps ils étaient parfois des philosophes, et nous verrons le rôle qu’ils jouèrent en Italie pendant la Renaissance. Quant à la masse, elle était inapte à tout ce qui n’était pas commerce ou usure. Elle n’avait plus du reste aucun droit, aucune capacité, nulle route ne pouvait s’ouvrir devant elle, et les rares chemins qu’elle aurait pu encore prendre lui étaient fermés par ses propres docteurs qui s’étaient ainsi alliés aux légistes chrétiens.

Ces derniers, dans leur œuvre, s’étaient inspirés des doctrines de l’Église, ces doctrines que Thomas d’Aquin avait lapidairement exprimées. Judaei sunt servi, avait dit énergiquement le maître ; la loi ne les avait pas considérés autrement. À la fin du quinzième siècle, le Juif était devenu le serf de la chambre impériale en Allemagne, en France il était le serf du roi, le serf du seigneur, moins que le serf même, car le serf encore pouvait posséder tandis qu’en réalité le Juif n’avait pas de propriété ; il était une chose plutôt qu’une personne. Le roi et le seigneur, l’évêque ou l’abbé pouvaient disposer de tout ce qui appartenait au Juif, c’est-à-dire de tout ce qui semblait lui appartenir, car la possibilité de posséder était pour lui purement fictive. Il était imposable à merci, il subissait des impôts fixes, sans préjudice des confiscations