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les sentiments anti-juifs des rois et des peuples, elles étaient des causes génératrices, elles entretinrent un état d’esprit spécial qu’accentuèrent pour les rois des motifs politiques, pour les peuples des motifs sociaux. L’antijudaïsme grâce à elles se généralisa, et nulle classe de la société n’en fut exempte, car toutes les classes étaient plus ou moins guidées par l’Église, ou inspirées par ses doctrines ; toutes étaient ou se croyaient lésées par les Juifs. Les nobles étaient offensés par leurs richesses ; les prolétaires, les artisans et les paysans, en un mot le menu peuple, étaient irrités par leurs usures ; quant à la bourgeoisie, à la catégorie des commerçants, des manieurs d’argent, elle se trouvait en rivalité permanente avec les Juifs, et là, la concurrence constante engendrait la haine. Au quatorzième et au quinzième siècles, on voit se dessiner la lutte moderne du capital chrétien contre le capital juif, et le bourgeois catholique regarde d’assez bon œil le massacre des Juifs qui le débarrasse d’un rival souvent heureux.

Ainsi tout concourut à faire du Juif l’universel ennemi, et le seul appui qu’il trouva durant cette terrible période de quelques siècles fut la papauté et l’Église qui, tout en entretenant les colères dont il pâtissait, voulaient garder précieusement ce témoin de l’excellence de la foi chrétienne. Si l’Église conserva les Juifs, ce ne fut pas sans toutefois les morigéner et les punir. C’est elle qui interdit de leur donner des emplois publics, pouvant leur conférer une autorité