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merçants se forma, et c’est à cette classe qu’appartenaient les premiers émigrants juifs, ceux qui établirent leurs colonies en Égypte, en Cyrénaïque et en Asie Mineure. Ils formèrent dans toutes les cités qui les reçurent des communautés actives, puissantes et opulentes, et, lors de la dispersion finale, des groupes importants d’émigrants se joignirent aux groupes primitifs qui facilitèrent leur installation.

Pour expliquer l’attitude des Juifs, il n’est donc pas nécessaire de recourir à une théorie sur le génie aryen et sur le génie sémite. D’ailleurs on connaît la légendaire cupidité romaine et le sens commercial des Grecs. L’usure des feneratores romains n’avait pas de borne, pas plus que leur mauvaise foi ; ils étaient encouragés par la loi très dure au débiteur, digne fille de cette loi des Douze Tables qui reconnaissait au créancier le droit de couper des morceaux de chair sur le corps vivant de l’emprunteur insolvable. À Rome, l’or était le maître absolu, et Juvénal pouvait parler de la « Sanctissima divitiarum majestas »[1]. Quant aux Grecs, ils étaient les plus habiles et les plus hardis des spéculateurs ; rivaux des Phéniciens dans le commerce des esclaves, dans la piraterie, ils connaissaient la pratique de la lettre de change et de l’assurance maritime, et Solon ayant autorisé l’usure, ils ne s’en privaient guère.

Les Juifs, en tant que peuple, ne se distinguèrent

  1. La Sybille hébraïque parle de « la soif exécrable de l’or, de l’amour du gain sordide qui pousse les Latins à la conquête du monde ».