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des Juifs à cette époque comme très misérable. Du côté juif, comme du côté chrétien, on observe un mélange de tolérance et d’intolérance qui s’explique, soit par le mutuel désir de faire des prosélytes, soit même par une certaine bienveillance religieuse réciproque. Les Juifs se mêlaient à la vie publique, les chrétiens mangeaient à leur table[1], ils s’unissaient entre eux[2], ils prenaient part aux deuils et aux réjouissances comme aux luttes des partis. Ainsi les voit-on à Arles se liguer avec le parti visigoth contre l’évêque Césaire[3] et plus tard suivre les funérailles du même évêque en criant : Vae vae ! Ils étaient les clients des grands seigneurs (comme en témoignent deux lettres de Sidoine Apollinaire[4]), et ceux-ci les aidaient à se soustraire aux ordonnances vexatoires. En beaucoup de régions, les clercs les fréquentaient et de même que bien des chrétiens venaient dans les synagogues, des Juifs assistaient aux offices catholiques pendant la durée de la messe des catéchumènes. Ils résistaient autant que possible aux efforts faits pour les convertir, efforts nombreux, parfois accompagnés de violences, malgré les recommandations de quelques papes[5], et ils con-

  1. Concile de Vannes (465), canon XII ; Concile d’Epaones (517), canon XV ; Concile de Mâcon (581), canon XV, etc.
  2. 2e Concile d’Orléans (533), canon XIX ; Concile de Clermont (535), canon VI
  3. Vie de saint Césaire, Migne, Patrologie latine, t. LXVII.
  4. Sidoine Apollinaire, l. III, ép. iv, et l. IV, ép. v.
  5. Frédégaire (Chronique, XV) et Aimoin (Chroniqua Moissiacensis, XLV) rapportent que, à l’instigation de l’empereur