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parurent éviter de prendre aucune part aux projets qu’on allait arrêter, espérant que leur exécution, qui exigeait de grandes dépenses, ne serait jamais terminée. Les emplacements furent cependant fixés et les terrains acquis. L’un des abattoirs, celui de Montmartre, était même déjà commencé, lorsqu’en janvier 1811 je fus chargé de la direction des travaux de Paris. Il m’était difficile dans les premiers moments où les affaires exigeaient la plus grande partie de mon temps, et où j’avais à m’occuper à la fois d’un grand nombre d’édifices, de me pénétrer profondément des conditions auxquelles il me fallait satisfaire dans la construction de toutes les parties d’un abattoir général. Ce ne fut qu’après avoir visité les anciens établissements conféré avec plusieurs maîtres bouchers, que je crus reconnaître quelques vices de dispositions, notamment dans ce qu’on appelle assez improprement les échaudoirs (lieu où l’on abat). Il était bien tard, car les constructions étaient déjà avancées, principalement à l’abattoir de Ménilmontant ; mais les observations qui m’avaient été faites me parurent importantes, et le succès des abattoirs tellement compromis, surtout avec l’opposition connue des bouchers, que je regardai comme indispensable de changer le premier projet adopté pour les échaudoirs. Suivant ce projet, chaque corps de bâtiment ne contenait que six cases dont une partie était mal éclairée. Trois ou quatre bouchers devaient abattre dans la même case, et les bœufs abattus auraient été suspendus aux mêmes pentes, ce qui aurait donné lieu à des débats multiplies, à cause du mélange des viandes, des langes, des instruments et de l’affluence des garçons bouchers dans un même passage. Dans la nouvelle disposition, seize échaudoirs, ou cases plus petites que celles du projet précédent, sont placés sur une vaste cour de travail, et l’on trouve à l’étage au-dessus des serres fermées par des grillages en fer, dans lesquelles chaque boucher peut déposer son suif en branches et tout ce qu’il juge convenable.

L’étendue des abattoirs a été proportionnée aux quartiers qu’ils étaient destinés à desservir. Ceux du Roule et de Villejuif, qui sont à peu près semblables, contiennent chacun trente-deux échaudoirs, celui de Grenelle quarante-huit, et ceux de Ménilmontant et de Montmartre, chacun soixante-quatre ; au total, deux cent quarante échaudoirs. Ce nombre est encore inférieur à celui des bouchers ; mais plusieurs font tuer par leurs confrères et il y a quelques échaudoirs communs à deux bouchers. Les bouveries et bergeries ont la même étendue que les corps d’échaudoirs. On trouve en outre dans chacun des cinq abattoirs, des fondoirs pour le suif, des réservoirs et des conduites en plomb qui fournissent l’eau dans toutes les parties des édifices, des voiries ou cours de vidange, des écuries et remises pour le service particulier des bouchers, des lieux d’aisances publics, des parcs aux bœufs, des logements pour les agents ; enfin, un aqueduc voûté conduit toutes les eaux de pluie et de lavage dans les égouts de Paris. On y a ajouté depuis quelque temps des triperies qu’on avait cru dans l’origine devoir en exclure. »

Après quelques autres détails sur la disposition générale des abattoirs, M, Bruyère continue ainsi :

« On peut seulement regretter que la commission ait été privée des renseignements qu’auraient pu donner les bouchers eux-mêmes, si l’esprit qui les animait leur eut permis d’avoir une opinion unanime sur les perfectionnements dont chaque partie de ces établissements était susceptible. La commission avait éprouvé, et j’ai éprouvé avec elle, combien il est difficile de combattre l’esprit de routine et les intérêts particuliers. »

Les architectes qui on fait exécuter ces abattoirs sont : MM. Petit-Radel, Leloir, Gisors, Happe et Poidevin. Ils ont eu pour collaborateurs, MM. les inspecteurs Malary, Colson, Menager, Turmeau, Coussin, Altiret, Clochard et Guénepin.

Au mot Abattoir, on trouve dans le Dictionnaire de l’Industrie, ouvrage in-octavo, dont le premier volume a été publié en 1833, deux articles très curieux concernant ces établissements en général. Le premier, qui a rapport à l’hygiène, est rédigé par M. Parent-Duchâtelet ; le second, qui traite de la construction, est de M. Gourlier, architecte. Nous croyons devoir rapporter ici le paragraphe suivant, qui termine l’article de M. Gourlier.

« La totalité des acquisitions de terrains faites pour l’établissement des abattoirs, a coûté environ 900 000 et la totalité des constructions, environ 17 000 000. Ensemble 17 900 000, qu’il convient de porter, y compris les intérêts depuis le commencement des travaux jusqu’en 1818, époque de l’entrée en jouissance, à 2 000 000.

La surface totale renfermée dans l’enceinte des cinq abattoirs est d’environ 156 500 mètres carrés.

Chaque mètre carré de cette surface revient donc moyennement à 128 francs, dont on peut compter pour la valeur du terrain 6, pour la valeur des constructions 109 et pour les intérêts pendant l’exécution 13. Somme égale à 128.

La surface totale des constructions est d’environ 43 100 mètres carrés.

Chaque mètre carré de ces constructions revient donc pour construction seulement à 395 fr.

Les cinq abattoirs rapportent année commune, pour droits sur les bestiaux, issues et suif, environ 900 000 sur quoi il faut déduire, d’abord pour frais d’entretien et réparation des bâtiments, machines, etc., environ 30 000 et pour frais d’exploitation tant en personnel qu’en matériel, environ 140 000. Ensemble 170 000, ce qui réduit le revenu à 730 000.