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on vous envoye hors de la ville et des fauxbourgs de Paris, que vous irés et que vous exécuterés ponctuellement les ordres qui vous ont esté donnés par l’hospital auquel vous rendrés compte sitot et incontinent vostre retour. »

Le bâtiment de l’ancien hôpital des Quinze-Vingts, ouvrage d’Eudes de Montreuil, était assez remarquable. Cependant l’abbé Lebœuf semble douter que l’édifice qu’on voyait de son temps remontât au règne de saint Louis. Selon cet écrivain la partie la plus ancienne ne datait que du XVe siècle, et cinq chapelles construites pour agrandir l’église avaient été bénites en 1530 ; le reste de l’édifice lui paraissait encore plus moderne, à l’exception, ajoute le même historien, de trois statues placées dans des niches du portail au nord de l’église et provenant du bâtiment antérieur. « L’une de ces statues, dit Hurtaut, représentait saint Louis ; elle était mal exécutée, à la vérité, mais, si l’on en croit les antiquaires, très ressemblante. Plusieurs degrés qu’il fallait descendre pour entrer dans cette église font voir que le terrain s’est fort haussé depuis quelques siècles. » — Aucun changement important n’eut lieu dans cet ancien établissement jusqu’en 1779. À cette époque, des lettres-patentes, relatives au déplacement de l’hôpital, furent données à Versailles. Ces lettres sont du mois de septembre et contiennent ce qui suit : « Article 1er. L’hôpital royal des Quinze-Vingts sera et demeurera transféré, comme nous le transférons par ces présentes, pour avoir lieu le plus tôt que faire se pourra dans l’hôtel anciennement occupé par nos mousquetaires de la deuxième compagnie, situé à Paris, rue de Charenton, etc… — Article 4e. Au moyen de la translation du dit hôpital, autorisons notre cousin le cardinal de Rohan à vendre, en vertu des présentes, tous les terrains et bâtiments généralement quelconques formant l’enclos actuel du dit hôpital, etc… — Art. 8e. Voulons que des premiers deniers qui proviendront de l’emplacement actuel et dépendances du dit hôpital il soit versé en notre trésor royal, la somme de cinq millions de livres, de laquelle somme il sera passé contrat de constitution d’une rente annuelle et perpétuelle de 250 000 livres au profit du d. hôpital, à titre de remplacement et augmentation et de dotation payable entre les mains de son trésorier, de trois mois en trois mois, etc… — Art. 9e. Le surplus de la dite vente sera employé au paiement des 450 000 livres, prix de l’acquisition de l’hôtel des Mousquetaires, etc… — Art. 10e. Seront tenus les acquéreurs de l’enclos actuel des Quinze-Vingts d’ouvrir les rues et passages, tels qu’ils sont désignés dans le plan par nous vu, arrêté et annexé sous le contr’scel des présentes, etc… » — Conformément à ces lettres-patentes, la vente fut effectuée. On démolit les bâtiments des Quinze-Vingts ainsi que leur église, et sur leur emplacement on ouvrit, en 1781, les rues de Beaujolais, de Chartres, de Montpensier, des Quinze-Vingts, Rohan et de Valois. (Voyez ces articles.) — Après quelques changements nécessités par la nouvelle destination, les Quinze-Vingts furent installés dans l’hôtel des Mousquetaires, construit en vertu des lettres-patentes du juillet 1699.

Quelque temps après, des modifications importantes furent introduites dans le régime intérieur de cet établissement, et l’on fixa le nombre des pauvres aveugles à huit cents. Un arrêt du parlement du 14 mars 1783 ordonna qu’on réserverait dans cet hôpital vingt places pour les pauvres de la province, atteints de maladies d’yeux. La même faveur était accordée aux pauvres de Paris.

Sous la république, l’ancienne organisation de cet établissement fut changée. Un décret de la Convention Nationale du 31 janvier 1793 porte ce qui suit : « La Convention Nationale décrète que le département de Paris fera apposer dans le jour les scellés sur les papiers relatifs à l’administration et au chapitre des Quinze-Vingts. Ordonne que le département de Paris fera également apposer les scellés sur la caisse de l’administration des Quinze-Vingts ; qu’ils feront lever à l’instant en présence des parties intéressées, et que l’état vérifié, les fonds qui s’y trouveront seront déposés à la trésorerie nationale. Charge le département de Paris de pourvoir jusqu’au décret définitif à tous les besoins de l’établissement des Quinze-Vingts, et décrète qu’à cet effet la trésorerie nationale tiendra à sa disposition la somme de 20 000 livres. »

Parmi les documents qui nous restent à reproduire, celui qui va suivre n’est pas le moins curieux :

« Séance du sextidi, 26 brumaire, l’an II de la république française une et indivisible. — L’administration des Quinze-Vingts apporte tous les objets de charlatanisme des prêtres ; entr’autres la fameuse chemise de saint Louis qui se trouve n’être qu’une chemise de femme.

» Le conseil-général arrête que cette chemise sera brûlée dans le sein du conseil, ce qui a été exécuté sur-le-champ, et quant aux autres objets d’or et d’argent, le conseil arrête qu’ils seront envoyés à la Monnaie.

» Mention civique de la conduite de l’administration des Quinze-Vingts : insertion aux affiches de la commune.

» Et sur la proposition d’un membre, le conseil arrête que la maison des Quinze-Vingts s’appellera Maison des Aveugles. » (Registre de la Commune, tome II, page 13 345.)

Sous la restauration, le grand aumônier de France fut de nouveau chargé de la direction de cet établissement.

Une ordonnance royale du 31 août 1830 porte que l’hospice des Quinze-Vingts sera régi sous l’autorité du ministre du commerce et des travaux publics, par un conseil d’administration composé de cinq membres.