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lièrement notre bonne ville de Paris, afin de témoigner l’affection que nous avons pour elle, et d’y laisser des monuments éternels de la félicité de notre règne, et pour exciter nos sujets à nous servir dans ce dessein, nous avons toujours traité favorablement ceux qui nous ont proposé les moyens d’augmenter la décoration et la commodité publiques. Pour cet effet, nous étant fait représenter les diverses propositions qu’on nous a fait depuis quelques années, de dégager les avenues du palais qui est aujourd’hui le centre de la ville et le lieu du plus grand concours de ses habitants, en y faisant de nouvelles entrées, l’une au bout de la place Dauphine et l’autre sur l’un des quays et par l’ancien jardin de notre hôtel du bailliage, affecté au logement des premiers présidents de notre parlement, etc. »

Le contrat imposait au concessionnaire diverses obligations, entre autres celles : 1o de payer à la recette du domaine du roi douze deniers de cens pour chacune toise qui serait bâtie ; 2o de faire pratiquer une ouverture avec grande arcade et portail dans la rue Harlay vis-à-vis de la place Dauphine ; 3o de faire construire autour d’une nouvelle place (c’est la cour Harlay qui fut d’abord appelée cour Neuve), des bâtiments et boutiques pour des marchands.

Les autres clauses prescrivaient l’établissement de la cour Lamoignon ainsi que des galeries supérieures, la construction d’escaliers pour monter à ces galeries et pénétrer au palais ; enfin l’ouverture d’un passage sur le quai de l’Horloge, et d’un aqueduc souterrain pour l’écoulement des eaux dans la rivière.

Toutes ces conditions furent exécutées, ainsi que le constate le procès-verbal de réception des travaux du 17 juin 1682, et il en résulte l’état présent des choses dans cette partie du palais. — L’histoire de cet édifice n’offre aucun fait digne d’être rapporté jusqu’à 1776.

Dans la nuit du 10 au 11 janvier de cette année, le feu prit une seconde fois au Palais-de-Justice. Malgré la promptitude des secours, l’incendie consuma toutes les constructions qui s’étendaient depuis la galerie dite des prisonniers, jusqu’à la Sainte-Chapelle. Les bâtiments incendiés durent être reconstruits sur un nouveau plan. Quatre membres de l’académie d’architecture : Moreau, Desmaisons, Couture et Antoine furent chargés de la direction des travaux.

La nouvelle façade du Palais présente un avant-corps orné de quatre colonnes doriques. Au-dessus de l’entablement règne une balustrade, et quatre piédestaux supportent les statues allégoriques de la Force, de l’Abondance, de la Justice et de la Prudence, qui se dessinent sur un fond lisse de maçonnerie supportant un dôme quadrangulaire.

Avant de parler des constructions qui doivent être ajoutées au Palais-de-Justie, nous dirons quelques mots sur la Conciergerie.

Cette prison, ainsi que nous l’indique sa dénomination, servait dans l’origine de logement au concierge du palais. Les cuisines se trouvaient également en cet endroit. L’antique demeure de nos rois ayant été abandonnée au tribunal souverain de la justice, la Conciergerie devint une prison. Il en est fait mention pour la première fois dans les registres de la Tournelle, au 23 décembre 1392, à l’occasion de plusieurs habitants de Nevers et de ses environs, qui y furent enfermés pour cause de rébellion envers l’évêque, le doyen et le chapitre de Nevers. Plusieurs actes constatent l’insalubrité de cette prison. Au mois d’août 1548, une contagion décima les prisonniers ; le parlement fut alors obligé d’employer son autorité pour faire assainir les cachots.

Sous Charles VI, la Conciergerie fut envahie par la populace ameutée ; la trahison de Perrinet-le-Clerc, qui livra aux Anglais et aux Bourguignons la clef de la porte de Buci, anéantit le parti des Armagnacs. Le connétable de ce nom, qu’on avait vainement cherché dans sa demeure, fut livré par un traître et conduit prisonnier à la Conciergerie. Le 12 juin 1418, l’horrible milice des bouchers, bannie de la ville par les Armagnacs, rentra triomphante dans Paris. Ces assassins répandent aussitôt des bruits sinistres qui se grossissent en volant de bouche en bouche ; la multitude est bientôt persuadée que son salut dépend de l’entière extermination des Armagnacs. Le peuple se porte en fureur à la Conciergerie, enfonce les portes ! Armagnacs, Bourguignons, criminels, débiteurs, femmes, enfants, tous sont égorgés sans distinction. Le connétable d’Armagnac, le chancelier de Marle, l’évêque de Coutances, six évêques, plusieurs membres du parlement expirent, percés de mille coups ; les cadavres des victimes sont traînés dans les rues fangeuses de Paris. La populace, après avoir joué pendant trois jours avec ces débris humains, alla les jeter à la voirie.

Le sol de la Conciergerie est plus bas que celui de la rivière, cependant les caves et souterrains en pierre pratiqués au-dessous interceptent un peu l’humidité ; les autres cachots construits au pied des tours et au niveau du fleuve étaient très malsains ; ils sont aujourd’hui presque tous hors d’usage. À l’orient de cette prison et au sud d’une cour, sont des cellules pour les femmes qui sont ainsi séparées des hommes. — Sous la porte même de l’entrée de cette prison, à quinze mètres au-dessous du sol, se trouvaient les fameuses oubliettes du Palais. Sur le bord de la rivière, on voit encore la grille par laquelle on emportait les corps, soit pour les noyer, soit pour les inhumer. M. Peyre, architecte, a transformé ces oubliettes en un aqueduc.

La Tour de César est à droite en entrant dans la cour ; on la nommait autrefois tour de Montgommeri parce que Gabriel de Lorges, comte de Montgommeri, le même qui avait blessé mortellement le roi Henri II, dans un tournoi, y fut enfermé en 1574, après avoir été défait en Normandie. — Cartouche et Damiens furent conduits dans cette tour. En 1794, les cent trente-deux Nantais amenés à Paris y furent enfermés ; le célèbre