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Jacques-du-Haut-Pas (église Saint-).

Située dans la rue Saint-Jacques, entre les nos 252 et 254. — 12e arrondissement, quartier de l’Observatoire.

Cette église doit son nom à la chapelle Saint-Jacques-du-Haut-Pas dont nous parlerons à l’article de l’institution des Sourds-Muets. — Vers le milieu du XVe siècle, les habitants des faubourgs Saint-Jacques et Saint-Michel, trop éloignés des églises Saint-Médard, Saint-Hippolyte et Saint-Benoit, sollicitèrent l’érection de cette chapelle en succursale. Cette demande leur fut accordée en 1566. La sentence de l’official de Paris est ainsi conçue : « Avons permis et permettons aux manants et habitants des dits faubourgs de la porte Saint-Jacques et de Notre-Dame-des-Champs, avoir à leurs dépens autres personnes, qui dient, chantent et célèbrent à haute voix et avec chants, les dits offices divins. » — Dès l’époque de l’établissement de cette succursale, le prêtre qui la desservait avait pris le titre de curé. Cette cure était alors à la nomination du trésorier de la Sainte-Chapelle. La population s’étant considérablement augmentée dans le faubourg Saint-Jacques, on résolut, en 1603, de bâtir une église plus vaste. La première pierre ne fut pourtant posée que le 2 septembre 1630, par Monsieur, frère du roi Louis XIII. Ce fut seulement alors que les habitants obtinrent l’érection de leur église en paroisse. Les travaux, commencés d’abord avec beaucoup d’ardeur, furent longtemps suspendus faute de secours. On les reprit en 1675. Le chœur était seulement construit à cette époque. On doit la continuation de cette église à madame Anne-Geneviève de Bourbon, princesse du sang, duchesse douairière de Longueville, qui vint plusieurs fois au secours de la fabrique. Mais la plus grande partie de la dépense fut faite par les paroissiens. Il est peu d’exemples dans notre histoire d’un zèle de piété plus unanime et plus touchant. Les carriers, qui étaient en grand nombre dans ce quartier, fournirent gratuitement toute la pierre dont cet édifice est pavé ; et les ouvriers employés à sa construction travaillèrent chacun un jour par semaine, sans vouloir en recevoir le salaire. Le portail, décoré de quatre colonnes doriques, et la tour, d’une forme carrée, furent construits sur les dessins de l’architecte Guittard, membre de l’Académie. On commença en 1688 la chapelle de la Vierge, située dans le fond du chœur. L’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas est aujourd’hui la seconde succursale de la paroisse Saint-Étienne-du-Mont.

Jacques-la-Boucherie (marché Saint-).

Situé dans la rue des Arcis. — 6e arrondissement, quartier des Lombards.

Ce marché a été construit sur l’emplacement occupé par l’ancienne église Saint-Jacques-la-Boucherie. Les écrivains qui ont fait de l’histoire de Paris une étude spéciale n’ont pu préciser l’époque de la fondation de cette église. On croit généralement qu’à l’endroit où elle fut construite se trouvait une chapelle qu’on y voyait vers 954, sous le règne de Lothaire Ier. — Dans une bulle du pape Callixte II, en 1119, il est fait mention pour la première fois de l’église Saint-Jacques-la-Boucherie. Ce nom de la Boucherie lui vient de son voisinage de l’Apport-Paris, où se trouvait la plus ancienne et la plus considérable des boucheries de la ville. Cette église fut érigée en paroisse sous Philippe-Auguste, vers l’an 1200. Ses bâtiments avaient alors peu d’étendue, ils furent agrandis successivement aux XIVe et XVe siècles. Nicolas Flamel fit construire à ses frais le petit portail qu’on voyait dans la rue des Écrivains. L’histoire de cet homme est singulière. Il était né sans biens, de parents obscurs, et sa profession d’écrivain n’avait pu lui donner les moyens d’acquérir de grandes richesses. Cependant on le vit tout-à-coup, par ses libéralités, déceler une fortune immense. On crut à cette époque, en le voyant si riche, qu’il avait découvert la pierre philosophale. Flamel employa d’une manière honorable les biens qu’il possédait : une honnête famille tombée dans la misère, une jeune fille que l’indigence allait peut-être entraîner dans les désordres, le marchand et l’ouvrier chargés d’enfants, la veuve et l’orphelin, voilà sur qui tombèrent les bienfaits de Nicolas Flamel. Il fut enterré le 24 mars 1417, dans l’église Saint-Jacques-la-Boucherie qu’il avait embellie. Cet édifice avait droit d’asile ; en 1405 on y fit même construire une chambre qu’on réserva à ceux qui venaient s’y mettre en franchise. La justice ne respecta pas toujours cet asile. — Voici deux faits historiques qui le prouvent : — Le 14 janvier 1358, Jean Baillet, trésorier général des finances, passant dans la rue Saint-Merri, fut assassiné par un changeur nommé Perrin Macé. Le meurtrier se sauva dans l’église Saint-Jacques-la-Boucherie. Le Dauphin, depuis Charles VI, irrité de cet attentat, envoya Robert de Clermont, maréchal de France, Jean de Châlons et Guillaume Staise, prévôt de Paris, avec l’ordre de s’emparer du coupable. Il fallut l’arracher de l’église ; le lendemain on lui fit couper le poing à l’endroit où il avait commis le crime, puis on le conduisit au gibet où il fut étranglé. Dès que Meulan, évêque de Paris, connut cette violation des privilèges ecclésiastiques, il fit détacher du gibet le corps du supplicié, et ordonna qu’il fut inhumé avec pompe dans l’église Saint-Jacques-la-Boucherie. Le prévôt des marchands et ceux de sa faction assistèrent à cette cérémonie dans le même temps que le dauphin honorait de sa présence les funérailles de Jean Baillet. — En 1406, un autre criminel fut également arraché de cette église ; l’évêque d’Orgemont fit suspendre aussitôt le service divin ; il fallut avant de continuer les cérémonies religieuses, que le parlement condamnât cette violation. — Ce droit d’asile fut introduit en France à cette époque de la conquête où les vaincus n’avaient pas d’autre refuge contre les violences de leurs vainqueurs ; la religion alors pouvait