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Où a régné humblement et longtemps
Et demeuré bien quarante et six ans,
En servant Dieu augmentée en renom
Le roi Loys, onsièsme de ce nom,
Considérant sa très grande préfecture,
A fait élever icy sa sépulture.
Elle trépassa céans en son séjour,
Le dimanche vingt-neuvième jour,
Mois de juin mil quatre cent soixante et six,
Le doux Jésus la mette en paradis.

Amen !

Cette récluse avait pour demeure une espèce de cellule étroite où le jour et l’air ne pénétraient que par deux meurtrières grillées, dont l’une ouvrait sur la voie publique et servait à la récluse pour recevoir ses aliments, et l’autre, pratiquée dans l’église même, lui permettait de prendre part aux cérémonies religieuses. Il y eut aussi des récluses volontaires ou forcées dans les autres églises de Paris. Parmi ces dernières était Renée de Vendomois, femme noble, adultère, voleuse, qui fit assassiner son mari, Marguerite de Barthélemi, seigneur de Souldai. Le roi, en 1485, lui fit grâce de la vie, et le parlement la condamna à demeurer perpétuellement récluse et emmurée au cimetière des Saints-innocents à Paris, en une petite maison qui lui sera faicte à ses dépens et des premiers deniers venans de ses biens, joignant l’église, ainsi que anciennement elle estoit. À côté de cette église, se trouvait un cimetière dont l’origine remonte à la plus haute antiquité. On sait que les premiers chrétiens, à l’exemple des Romains, n’ensevelissaient pas leurs morts dans les villes. Ils élevaient les tombeaux au milieu des champs, ou sur le bord des grandes routes. Les rois, les princes, les grands de l’église, avaient seuls le privilège d’être inhumés dans la crypte des basiliques. Le cimetière des Innocents, réservé ensuite aux seuls paroissiens de Saint-Germain-l’Auxerrois, servit plus tard aux autres paroisses qui furent séparées de cette église. Après l’établissement des halles, ce cimetière fut perpétuellement traversé pendant le jour par une population commerçante. Les animaux séjournaient dans la partie la moins fréquentée et déterraient les cadavres ; les voleurs s’y cachaient la nuit et pillaient les imprudents qui s’y risquaient. Philippe-Auguste, en 1186, fit cesser le scandale et entoura le cimetière d’une clôture en pierre. Dans la suite on construisit autour de cette muraille une galerie voûtée appelée les Charniers. C’est là qu’on enterrait ceux que la fortune séparait encore du commun des morts. Cette galerie sombre, humide, malsaine, servait de passage aux piétons ; elle était pavée de tombeaux, tapissée de monuments funèbres et bordée d’étroites boutiques de modes, de lingerie, de mercerie et de bureaux d’écrivains publics. Elle avait été construite par le maréchal de Boucicaut et Nicolas Flamel. Cette galerie occupait une partie de la largeur actuelle de la rue de la Ferronnerie, et de ce côté était peinte la fameuse danse Macabre ou danse des morts. Cette danse offrait une série de tableaux représentant la mort qui frappe indifféremment toutes les classes de la société, et qui entraîne avec elle dans son branle terrible tous les âges et toutes les conditions. C’était une consolation bien grande pour l’homme du peuple, accablé de souffrances et de misère, de voir ce grand niveleur jeter au favori de la fortune ces leçons ironiques et de sentir qu’il exposait aux grands de la terre l’avertissement de leur commune destinée. On a dit que ce ne fut point la peinture qui la première conçut la pensée d’une danse bizarre dans laquelle la mort se faisait successivement la partenaire de tout être humain, elle n’aurait fait en cela que reproduire des mascarades en usage au XIVe siècle. Selon d’autres écrivains, la peinture de la danse macabre était une traduction fidèle représentant par des images les poèmes d’un troubadour appelé Macabrus, dont le nom serait ainsi resté à ses inventions fantastiques. L’immense mortalité qui désola les XIVe et XVe siècles développa sans doute cette idée du poète qui fut accueillie par le peuple, dont elle caressait si agréablement les instincts d’égalité absolue. Ces compositions, qui dans le principe n’avaient été destinées qu’à la décoration des lieux funèbres, ne tardèrent point à prendre une telle extension, qu’on les retrouva bientôt dans les marchés, dans tous les lieux publics les plus fréquentés et jusque dans les palais des rois. La miniature les reproduisit sur les marges des heures et des missels, et dans le XVIe siècle, elles ornaient les gardes des épées et les fourreaux des poignards. Sur les tombes qui tapissaient les charniers des Innocents, on lisait plusieurs épitaphes ; on remarquait celle-ci :

Cy gist Yollande Bailly,
Qui trépassa l’an 1514, la 82e année de son âge
Et la 42e de son veuvage laquelle a vit ou a pu voir
Deux cent quatre-vingt-treize enfants issus d’elle.

Parmi les morts illustres enterrés dans le cimetière ou dans ces charniers, on distinguait les tombes de Jean le Boullanger, premier président au parlement ; Nicolas le Fêvre, habile critique, et François Eudes de Mézerai, célèbre historiographe de France. Le cimetière des Innocents, situé dans un quartier populeux et au centre de Paris, compromettait depuis longtemps la santé publique.

« Arrêt du conseil, 9 novembre 1785. Le roy s’étant fait représenter en son conseil le plan des halles de la ville de Paris, sa majesté a reconnu que malgré les changements et démolitions par elle précédemment ordonnés, pour en augmenter l’étendue, le terrain sur lequel elles sont situées ne présente pas encore un espace suffisant pour y placer le marché aux herbes et légumes qui se déposent journellement dans les rues adjacentes, notamment dans les rues Saint-Denis et de la Ferronnerie où elles occasionnent un engagement considérable et quelquefois dangereux ; sa majesté, toujours attentive à ce qui peut être utile aux habitants de sa bonne ville de