Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Chaussée-d’Antin à 13 m. 61 c. La maison no 66 est seule soumise à un faible retranchement. — Égout ; conduite-maîtresse d’eau ; éclairage au gaz (compe Anglaise).

La grande figure de Mirabeau n’est pas la seule illustration que rappelle à notre souvenir la rue de la Chaussée-d’Antin.

Un ministre financier, une danseuse célèbre, un prélat, cardinal par la grâce de son neveu, une séduisante et douce créole, depuis impératrice, un valeureux soldat de l’empire, qui devint sous la restauration l’orateur le plus brillant et le plus populaire, ont successivement habité cette rue.

Le financier s’appelait Necker ; son hôtel porte aujourd’hui le no 7. Ce fut ensuite l’hôtel Récamier.

L’hôtel du no 9, le palais de la danseuse, était plus somptueux que celui de l’ancien contrôleur général des finances. Mlle Guymard sut gagner, à la pointe de ses pirouettes, sa réputation, sa fortune et le cœur de cet excellent prince de Soubise, qui était plus à son aise aux pieds d’une danseuse, qu’à la bataille de Rosbach, en face du grand Frédéric. Un jour la jeune et belle damnée, en s’éveillant, se dégoûta de sa maison de Pantin qui sentait la roture ; elle voulut un hôtel dans cette rue que hantait le beau monde. Ledoux se mit à l’œuvre et bientôt une fête merveilleuse inaugura le temple de la déesse. Cet hôtel contenait un théâtre assez vaste pour loger cinq cents personnes.

Après le ballet, Mlle Guymard se donnait le délassement de la comédie jouée par l’élite des pensionnaires du roi.

La maison no 62 a été construite en 1826 sur l’emplacement d’un petit hôtel habité par Joséphine avant son mariage avec Bonaparte.

Dans ce même hôtel mourut, le 26 novembre 1825, l’illustre général Foy, à l’âge de cinquante ans.

Quatre mots suffisent pour rappeler cette noble existence courage, talent, franchise et loyauté !

Cette rue, qui commençait à l’hôtel de Montmorency et finissait à celui du cardinal Fesch, compte aujourd’hui soixante-sept propriétés qui rapportent plus au fisc que quatre cent cinquante maisons du quartier Saint-Marcel.


Antoine (hôpital Saint-).

Situé dans la rue du Faubourg-Saint-Antoine, entre les nos 206 et 208. — 8e arrondissement, quartier-des Quinze-Vingts.

Cet hôpital occupe une partie de l’emplacement de l’ancienne abbaye Saint-Antoine-des-Champs, dont nous traçons ici l’origine.

Un pauvre curé de Neuilly-sur-Marne, nommé Foulques, vint à Paris vers 1198. L’éloquence de ses prédications apostoliques étonna tous les habitants. Il prêchait avec tant de véhémence contre les usuriers et les femmes adonnées à la débauche, qu’il fit bientôt de nombreuses conversions. Les filles de mauvaise vie profitaient surtout de ses pieuses instructions ; plusieurs abjurèrent la débauche et se coupèrent les cheveux en signe de pénitence. Foulques de Neuilly pourvut à l’entretien de celles qui voulaient se séparer entièrement de la vie mondaine. Pour ces dernières fut construite l’abbaye Saint-Antoine. La première chapelle de ce monastère fut bâtie par Robert de Mauvoisin. La grande église était due à la pieuse munificence de saint Louis. Ce fut vers les fossés de cette abbaye que Louis XI conclut en 1465 une trêve avec les princes qui s’étaient armés contre lui pendant la guerre dite du bien public. Le roi prétendit que la trêve avait été violée, et, pour perpétuer le souvenir de cette félonie, fit élever en ce lieu une croix en pierre. En fouillant le sol, on trouva en 1562 cette inscription « L’an MCCCCLXV fut ici tenu le landit des trahisons et fut par unes trosves qui furent données, maudit soit qui en fut cause. » Ce monument ne fut construit qu’en 1479, comme le prouve le compte du domaine de cette année. On y lit « À Jean Chevrin, maçon, pour avoir assis par ordonnance du roi une croix et épitaphe dans un lieu appelé le Fossé des Trahisons, derrière Saint-Antoine-des-Champs. » Les bâtiments du monastère et le sanctuaire de son église furent reconstruits vers 1770, sur les dessins de l’architecte Lenoir, surnommé le Romain. L’église était richement décorée ; on y voyait plusieurs tombeaux, entre autres ceux de Jeanne et de Bonne de France, filles de Charles V. La chapelle Saint-Pierre, supprimée en 1790, devint propriété nationale et fut vendue le 3 vendémiaire an V. Elle a été démolie. Son emplacement forme aujourd’hui la petite place où se trouve l’entrée de l’hôpital. Tout le vaste terrain connu autrefois sous le nom de Clos-de-l’Abbaye fut aliéné en cinq lots, le 29 messidor an VI.

Un décret de la Convention, du 17 juin 1795, convertit les bâtiments de l’abbaye en hôpital assimilé à celui de l’Hôtel-Dieu. Cet établissement contient deux cent soixante-deux lits. Il est desservi par les sœurs de Sainte-Marthe.


Antoine (passage du Petit-Saint-).

Commence à la rue Saint-Antoine, no 69 ; finit à la rue du Roi-de-Sicile, no 25. — 7e arrondissement, quartier du Marché-Saint-Jean.

Ce passage a été formé vers 1806, sur l’emplacement du couvent du Petit-Saint-Antoine, dont nous rappelons ici la fondation. Les hospitaliers de Saint-Antoine, dont la maison principale était à Vienne en Dauphiné, vers la fin du règne du roi Jean, vinrent fonder un petit hospice à Paris. Charles V, alors régent du royaume, favorisa cet établissement, en lui donnant un manoir nommé la Saussaie. Cette propriété, située dans les rues Saint-Antoine et du Roi-de-Sicile avait été confisquée par le roi sur Drogon-Garrel et sur Jean Devaux, partisans de Charles-le-Mauvais, roi de