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Pugnir la fault de son forfait ;
Car elle fut posée de fait
En sa chaire par symonie.

Les comédiens ne se faisaient pas faute de critiquer aussi les actes du gouvernement, de blâmer les profusions, les vices des nobles, et de railler l’ambition du clergé. Louis XII prenait plaisir à leurs représentations. Le roi disait qu’en y assistant il apprenait beaucoup de choses qui étaient faites en son royaume. Quelques courtisans s’étant plaints devant lui de la hardiesse des comédiens qui les jouaient sur leur théâtre, il leur répondit : « Que le théâtre n’était redoutable qu’à ceux dont la conduite n’était pas réglée ; qu’ils n’avaient qu’à se bien conduire, et qu’alors ils ne fourniraient plus matière à la satyre ; que son intention était d’ailleurs que ces gens-là pussent donner carrière à leur bile satyrique sur toutes sortes de sujets et de personnes, sans excepter la sienne, pourvu qu’il ne parlassent pas mal de sa femme, car il voulait que l’honneur des dames fût respecté. » — Un édit de décembre 1676, registré au parlement le 4 février 1677, supprima la confrérie de la Passion.

Nous retrouvons au temps de Molière les comédiens français à l’hôtel de Bourgogne, où ils s’étaient vus souvent forcés d’alterner avec les comédiens italiens. Le cardinal de Richelieu, qui ne se contentait pas d’être un grand ministre, et ambitionnait la gloire du poète, établit deux théâtres dans son palais, l’un destiné à une société choisie, l’autre au public. De jeunes acteurs de Paris, à la tête desquels était Molière, formèrent une troupe de comédiens ambulants.

Ils firent bâtir un théâtre dans le jeu de paume de la Croix-Blanche, situé dans la rue de Buci, et lui donnèrent le nom de Théâtre illustre. Après y avoir joué pendant trois ans, ils parcoururent la province, et revinrent à Paris en 1658. Molière et sa troupe débutèrent au mois d’octobre de cette année sur un théâtre élevé dans la salle des gardes au Louvre. Louis XIV honora ce théâtre de sa présence. La première représentation fut composéé de Nicomède et du Docteur amoureux. Satisfait des acteurs, le roi leur accorda une partie de l’hôtel du Petit-Bourbon, où ils débutèrent le 3 novembre suivant par l’Étourdi et le Dépit amoureux. En 1660 l’hôtel du Petit-Bourbon devant être abattu, la troupe de Molière fut logée au Palais-Royal ; elle y débuta le 5 novembre. Ce théâtre, déjà illustré par les chefs-d’œuvre de Corneille et de Racine, se maintint avec éclat jusqu’à la mort de Molière. C’est là que fut joué Tartufe. Le théâtre du Palais-Royal fut, après la mort de Molière, donné à l’Opéra. La troupe royale, privée de son illustre chef, promena tristement ses pénates dans tout Paris. En juillet 1673, elle jouait dans un local de la rue Mazarine, dans le jeu de paume du Bel-Air, où l’Opéra avait pris naissance. Peu de temps après elle construisit un théâtre dans la rue Guénégaud. Lors de la réunion du collège Mazarin à l’Université, les docteurs de Sorbonne exigèrent, comme condition préliminaire, l’éloignement du théâtre Guénégaud ; mais les réclamations des curés empêchant qu’ils ne s’établissent ailleurs, on fut obligé de les tolérer dans ce quartier. Le roi, par lettres-patentes du 22 octobre 1680, réunit à la troupe de la rue Guénégaud celle de l’hôtel de Bourgogne. Trouvant le local trop étroit, les deux troupes achetèrent l’hôtel de Lussan et une maison voisine, dans la rue Neuve-des-Petits-Champs ; mais le roi annula cette acquisition, et permit aux comédiens de s’établir dans le jeu de paume de l’Étoile, rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés. Ils occupèrent cette salle sous le titre de Comédiens ordinaires du roi, jusqu’à Pâques 1770. À cette époque les bâtiments menaçaient ruine. Ces acteurs allèrent jouer provisoirement sur le théâtre des machines, au palais des Tuileries. Après avoir occupé pendant dix années environ cette salle de spectacle, les comédiens ordinaires du roi s’installèrent dans le théâtre de l’Odéon, construit pour eux. Cette salle ayant été incendiée en 1799, ils prirent possession du théâtre du Palais-Royal, bâti de 1789 à 1790 sur les dessins de Moreau, pour le spectacle des Variétés, qui resta en cet endroit jusqu’au moment de la translation des comédiens français qui l’occupent encore aujourd’hui. — Un décret impérial daté de Moscou, le 15 octobre 1812, donna au Théâtre Français une organisation qui subsiste encore dans presque toutes ses parties. — Prix des places en 1844 : balcons, loges de la galerie du rez-de-chaussée, des 1res de face et avant-scène des 1res, 6 fr. 60 c. ; orchestre, 5 fr. ; 1res de côté et 1res galeries, 5 fr. ; 2mes loges, 4 fr. ; galeries des 2mes loges, 3 fr. ; 3mes loges et cintre, 2 fr. 75 c. ; parterre, 2 fr. 20 c. ; 2mes galeries, 1 fr. 80 c. ; amphithéâtre, 1 fr. 25 c.

Voici quelques renseignements relatifs à l’impôt perçu dans Paris sur les théâtres au profit des hospices.

Durant trente-cinq années, que nous divisons en périodes quinquennales, l’Opéra a versé pour sa part une somme de 2,573,000 fr. ; le Théâtre-Français 2,214,000 fr. En voici le détail :

1807-11. Opéra 293,000. Français 351,000.
1812-16. 305,000. 383,000.
1817-21. 282,000. 344,000.
1822-26. 314,000. 348,000.
1827-31. 309,000. 234,000.
1832-36. 498,000. 251,000.
1837-41. 572,000. 303,000.

On voit que les recettes de l’Opéra ont à peu près doublé depuis trente ans, tandis que celles des Français sont réduites d’un sixième ; encore se sont-elles relevées durant ces derniers temps. De 1832 à 1836 elles n’ont pu atteindre que la moitié de celles de l’Académie-Royale-de-Musique.

Si nous passons à d’autres théâtres, nous trouvons les résultats suivants :