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convenable d’élever à ce grand homme un monument que Paris, sa ville natale, s’étonne encore de ne pas posséder.

Ne serait-il pas possible de combiner le projet dont l’exécution est confiée au talent de M. Visconti avec celui que j’ai l’honneur de vous soumettre ? Quand vos fonctions vous le permettent, vous venez assister à nos représentations, vous applaudissez aux chefs-d’œuvre de notre scène ; le vœu que j’exprime doit être compris par vous, et j’espère que vous l’estimerez digne de votre attention.

Les modifications que l’on serait obligé de faire subir au projet arrêté entraîneraient indubitablement de nouvelles dépenses, mais cette difficulté serait, je le crois, facilement écartée. N’est-ce pas à l’aide de dons volontaires que la ville de Rouen a élevé une statue de bronze à Corneille ? Assurément une souscription destinée à élever la statue de Molière n’aurait pas moins de succès dans Paris ; les corps littéraires et les théâtres s’empresseraient de s’inscrire collectivement ; les auteurs et les acteurs apporteraient leurs offrandes individuelles. Tous ceux qui aiment les arts et qui révèrent la mémoire de Molière accueilleraient cette souscription avec faveur, et s’intéresseraient à ce qu’elle fût rapidement productive. Du moins c’est ma conviction, et je souhaite vivement que vous la partagiez. D’autres que moi, Monsieur le Préfet, auraient sans doute plus de titres pour vous entretenir de ce projet, qui avait déjà préoccupé le célèbre Le Kain, mais si la France entière s’enorgueillit du nom de Molière, il sera toujours plus particulièrement cher aux comédiens. Molière fut, tout à la fois, leur camarade et leur père, et je crois obéir à un sentiment respectueux et presque filial, en vous proposant de réunir au projet de l’administration, celui d’un monument que nous serions si glorieux de voir enfin élever au grand génie qui, depuis près de deux siècles, attend cette justice.

J’ai l’honneur, etc.

Signé Régnier,
Sociétaire du Théâtre-Français.

Cette lettre rencontra de la sympathie. Une souscription fut ouverte, et le 15 janvier 1844 eut lieu l’inauguration de la fontaine Molière. Sur le soubassement s’élève un ordre corinthien accouplé, au centre duquel est une niche circulaire, ornée, dans sa partie supérieure, d’une clef portant une table de marbre sur laquelle est inscrit le monogramme de 1844. Le monument est terminé par un riche entablement dont la frise est ornée de mascarons et de branches de lauriers. Il est surmonté d’un fronton circulaire au centre duquel est assis un génie qui couronne le poète.

Les lignes des faces latérales viennent se raccorder à la façade principale, qui forme, pour ainsi dire, le frontispice au devant duquel est placé le piédestal en marbre blanc portant la statue en bronze de Molière. L’illustre poète est assis et parait plongé dans une profonde méditation. De chaque côté du piédestal sont deux figures, dont les regards se dirigent vers le poète ; elles portent une légende où se trouvent inscrites, par ordre chronologique, toutes les pièces de Molière ; ces deux statues représentent, l’une la muse grave, l’autre la muse enjouée, double expression de talent de Molière ; enfin un bassin octogone reçoit l’eau qui jaillit de trois têtes de lion. Ce monument a 16 m. de hauteur sur 6 m. 50 c. de largeur. Il a été composé par M. Visconti, architecte ; la statue de Molière est de M. Seurre aîné et les deux muses de M. Pradier.

La dépense s’est élevée pour la fontaine à 
 200,000 fr. environ.
Celle de l’acquisition de deux maisons, à 
 252,000 fr. environ.
_______ fr. environ.
Total 
 452,000 fr. environ.

sur lesquels la Ville de Paris a fourni 255,000 fr.

On ne saurait trop exalter la noble pensée qui a présidé à l’érection de la fontaine Molière. Il est utile de rappeler les beaux-arts à leur sainte mission. La statuaire devient une école de patriotisme et de sagesse, lorsqu’elle cherche à populariser l’héroïsme, les généreux dévouements et le culte des grands poètes ; lorsqu’elle place dans le cœur de tous les images de ces nobles intelligences qui répandent sur le monde des flots d’une lumière si pure.

Puisse le monument consacré à Molière perdre bientôt ce lustre éclatant de jeunesse qui nous rappelle deux siècles d’oubli !


Fontaines (cour des).

Située entre les rues des Bons-Enfants, nos 11 et 13, et de Valois, nos 4 et 6. Le dernier impair est 7 ; le dernier pair, 6. Sa longueur est de 31 m. — 2e arrondissement, quartier du Palais-Royal.

Elle dépendait autrefois du Palais-Royal et renfermait sans doute des réservoirs qui alimentaient les bassins du jardin. Une ordonnance royale du 22 août 1840 a maintenu les formes et dimensions actuelles de cette cour. — Égout. — Conduite d’eau. — Éclairage au gaz (compe Anglaise).


Fontaines (rue des).

Commence à la rue du Temple, nos 95 et 97 ; finit à la rue de la Croix, nos 4 et 6. Le dernier impair est 29 ; le dernier pair, 18. Sa longueur est de 196 m. — 6e arrondissement, quartier Saint-Martin-des-Champs.

On la trouve indiquée sous ce nom dès le commencement du XVe siècle. Quelques plans l’ont désignée sous la dénomination des Madelonettes parce que les Filles de la Madeleine y avaient leur couvent (voir l’article des Madelonettes). — Une décision ministérielle du 19 germinal an VIII, signée L. Bonaparte, a fixé la largeur de cette voie publique à 8 m. La maison no  7 est alignée ; les autres constructions de ce côté sont soumises à un retranchement qui varie de 1 m. 40 c. à 2 m. 60 c. Les maisons nos 4 bis, 6, celle qui forme