préféré courber la tête, ainsi qu’ils le faisaient autrefois, quand le vent des persécutions, passant sur les ghettos sinistres, ranimant la flamme des bûchers fumants, faisait se ployer les échines et se recroqueviller les faibles et tremblantes âmes. Ils se sont dit : tout cela passera, laissons s’apaiser la tempête et feignons de ne pas entendre ; si nous ne répondons pas, on croira que nous ne sommes plus là et on nous oubliera.
Pauvres esprits et pauvres cervelles, aveugles et sourds, sans intelligence, sans compréhension, sans courage et sans énergie !
Je ne veux pas insister ; la puissance de l’assaut réveillera peut-être des volontés hésitantes et ranimera des cœurs débiles. Ce que je voudrais qu’on comprît maintenant, c’est l’étendue de ce mouvement qu’on a dédaigné jusqu’à aujourd’hui, je voudrais que les clairvoyants, s’il y en a, se rendissent compte que l’on ne s’arrêtera pas aux Juifs. Il est vrai que quelques-uns le voient et, pour se préserver de l’orage, des francs-maçons candides se font antisémites ; ils aident à forger le fer qui les frappera bientôt.
« Pour l’honneur et le salut de la France, affichent les ligueurs antisémites, n’achetez rien aux Juifs. Pour l’honneur et le salut de la France, disent les congrès catholiques de Reims et de Paris, n’achetez rien aux Juifs et aux francs-maçons. Pour l’honneur et le salut de la France, dit en chaire l’évêque de Nancy, n’achetez qu’aux catholiques ». Comme elle est réconfortante cette levée des aunes, quelle noble cause défendent ces épiciers enrichis, ces bonnetiers, tous ces marchands qui identifient la gloire d’une nation avec la prospérité de leurs comptoirs. Quelle belle et joyeuse forme du « struggle for life », et ne voit-on pas que tous ces croisés sont les dignes fils d’un peuple qui, le premier, par le monde, a semé l’égalité et la liberté.
Quand les antisémites affirmaient qu’ils ne voulaient travailler que pour le bien du peuple, lorsqu’ils prétendaient combattre l’exploitation de l’homme