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HISTOIRE DE LA MUSIQUE.

la ville, dans les catacombes, dans des lieux écartés, poursuivis, traqués, martyrisés, les chrétiens priaient leur dieu en chantant, mais si bas, que nul ne pouvait les entendre et que nul ne nous a dit ce qu’ils chantaient. Ces humbles chants, que l’on croit avoir été des nomes grecs, mêlés de formules hébraïques, devaient bientôt faire oublier la musique antique, si pompeuse et si raffinée.

Les premiers siècles de l’histoire de la musique chrétienne sont enveloppés d’un voile épais. Ce n’est plus la pénombre de l’antiquité, c’est la nuit noire et profonde, et cependant quelle lumière doit sortir quelques siècles plus tard de cette obscurité ! Après deux siècles le jour naît, bien faible encore ; mais saint Ambroise et saint Grégoire surgissent au début du monde nouveau, comme ces pics élevés qu’éclairent dans l’ombre les premiers rayons du soleil levant. C’est grâce à ces deux grands noms que la musique antique se relie à celle du moyen âge, et, par le moyen âge, à la musique moderne.

Lorsque les chrétiens eurent définitivement triomphé du paganisme, ils pensèrent à constituer une musique qui leur fût propre et qui répondît à leur idéal religieux et artistique. Conservèrent-ils quelques chants primitifs, transmis depuis les premiers martyrs ? prirent-ils uniquement, en la disposant à leur usage, la musique qui se chantait autour d’eux ? Nul ne le sait ; mais ce qui n’est pas douteux, c’est que la première organisation de la musique religieuse en Occident est due à l’illustre évêque de Milan, saint Ambroise (340-397), et ce chant primitif, dont il nous reste encore quelques traces, porte le nom d’ambrosien.