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HISTOIRE DE LA MUSIQUE.

musique et la danse ; donc ils connaissaient et pratiquaient une musique, mais non point la musique, dans le sens absolu que nous donnons à ce mot.

Notre musique est d’essence toute moderne ; elle paraît être un de ces monuments qui se sont élevés sur les ruines du monde antique, à la suite des invasions barbares. Il manquait à l’art musical des Grecs quelques-unes des conditions qui font que notre musique moderne est musique. La suite de ce récit démontrera qu’en dehors du rythme et de la mélodie, que les Grecs ont certainement possédés, il est d’autres formes musicales qu’ils n’ont point connues, dont ils n’ont point eu l’idée, si haute qu’ait été leur esthétique, par la raison bien simple qu’il leur était impossible de l’avoir. Mais leur architecture, mais leur sculpture, mais leur poésie ? J’entends bien ; mais encore un coup, ce raisonnement n’est que spécieux. Les xve et xvie siècles ne comptent-ils pas parmi les grandes époques de l’art ? N’y admire-t-on point des peintres, comme Raphaël, des sculpteurs comme Michel-Ange ? Par conséquent, les mêmes siècles auraient dû produire en même temps un Glück, un Mozart, un Beethoven, un Weber ; il n’en est rien. Si grand que soit le plus grand des musiciens de cette époque, il ne peut être comparé à ceux que nous venons de nommer. Que les Grecs aient chanté, cela est incontestable ; qu’ils aient bien chanté, il faut le croire, puisqu’ils le disent ; mais, de ce qu’ils ont élevé le Parthénon, de ce qu’ils ont taillé dans le marbre la Vénus de Milo, de ce qu’ils nous font encore pleurer sur les malheurs d’Œdipe, il ne s’ensuit pas que leur musique ait égalé leur architecture, leur sculpture ou leur poé-