Page:Lavoix - Histoire de la musique, 1884.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
HISTOIRE DE LA MUSIQUE.

maîtres trouvent intolérables les hardiesses et les nouveautés que nous admirons dans les œuvres des compositeurs contemporains, et cependant ces œuvres sont de la musique. Bien plus, nous connaissons des pages qui, non seulement n’ont pas été écrites dans le but d’être agréables, mais dans l’intention bien formelle d’éveiller des sensations douloureuses et pénibles, et cependant ces pages, dont quelques-unes sont sublimes, sont encore et toujours de la musique. — « Croyez-vous donc que l’on écoute la musique pour son plaisir ? » disait Berlioz à Adolphe Adam, un musicien qui, lui, n’avait cherché qu’à plaire. Sous cette boutade exagérée, Berlioz cachait une vérité. La musique, telle que nous la comprenons aujourd’hui, est souvent un art de plaisir et d’agréables sensations, c’est vrai ; mais elle est surtout un puissant moyen d’expression. Elle a pour but idéal et noble, non seulement de distraire agréablement nos oreilles, mais d’éveiller en nous les émotions les plus diverses. Les goûts se sont modifiés bien des fois, les procédés matériels ont changé ; mais les seules œuvres vraiment durables sont celles qui n’ont pas été conçues et écrites pour le plaisir d’un moment. Aussi bien laissons de côté toute définition, heureux si le lecteur, en fermant ce livre, peut se faire une idée à la fois nette et grandiose de cet art sublime et singulier de la musique, dont le propre est de produire suivant les temps et les individus des effets différents, tout en ayant une esthétique à lui bien définie.

Il est dans la musique deux éléments premiers et constitutifs sans lesquels elle n’existe pas, le son et le