Page:Lavoie - Le grand sépulcre blanc, 1925.djvu/43

Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
LE GRAND SÉPULCRE BLANC

le et raconte. Lorsqu’il a fini, Pacca traduit la longue explication, légendaire pour eux.

Il y eut un temps, d’après la tradition, où leurs ancêtres s’étendaient vers le Sud jusqu’aux confins d’un immense fleuve. Ils en ont été chassés par des peaux rouges auxquels les Blancs avaient fourni des armes à feu. Ils s’étendent sur toutes les terres boréales du Pacifique à l’Atlantique, mais répandus sur une si grande étendue et étant peu nombreux, il n’est pas étonnant qu’ils soient divisés en beaucoup de petites tribus, se distinguant par de légères variations de mœurs et de coutume. Quant à la langue elle varie peu.

Leurs croyances et leurs cérémonies religieuses sont aussi les mêmes partout.

« J’ai pu observer, reprit Théodore, votre régime de vie, mais quel est au juste le train de vie des « Esquimaux ? »

« Les Inuits, reprit Nassau, doivent leur subsistance à la chasse. Ils lui demandent non seulement leur nourriture et leurs vêtements, mais aussi le combustible qui leur est fourni par le gras des phoques, des morses et des baleines. »

« En hiver, nous vivons dans nos huttes de neige et en été sous une tente faite de peaux de phoques tannées. L’hiver est la période difficile à traverser. La chasse alors est incertaine et il y a de graves dangers à s’aventurer trop loin sur les glaces à cause des tempêtes formidables qui peuvent surprendre le chasseur. Si, à l’automne, l’on n’a pas mis de côté une bonne provision de viande de renne, la famine se fait alors sentir avec de tristes résultats, car il meurt à cette époque plus des nôtres que durant le reste de l’année. »

« Décrivez-moi donc le mode de construction d’un iglou ? » demanda l’ingénieur.

L’Esquimau reprit : « L’on fait d’abord l’essai des bancs de neige avec nos longs couteaux. Il faut que ces derniers soient formés de neige durcie par les vents et aient une assez bonne profondeur. On taille alors un trou oblong avec une paroi nette sur le plus long côté. L’on découpe des blocs dans cette paroi », blocs qui, mesurés par Théodore, avaient six pouces d’épaisseur, de vingt-quatre à trente pouces de longueur et vingt pouces de hauteur. « Règle générale, un homme taille des blocs et l’autre bâtit la hutte. Un cercle de la dimension de l’iglou projeté est tracé à la surface de la neige, et le premier rang de blocs disposés autour de ce cercle. Les assises étant ainsi posées, les premiers blocs sont entaillés en diagonale, de sorte que ceux de la seconde rangée et des suivantes s’enroulent en une spirale décroissante jusqu’au dôme qui est fermé par un bloc irrégulier formant la clef de voûte. Il est percé d’un trou de quatre pouces de diamètre sur lequel s’ajoute une petite cheminée de neige pour la ventilation. L’iglou terminé forme un dôme avec un aplatissement d’arche au sommet. Vous en remarquerez la solidité car l’on y marche dessus sans aucun danger. La cabane finie, les femmes se chargent généralement de combler les interstices entre les blocs avec de la neige meuble. Une rangée de blocs est ensuite placée en travers de la cabane, en face de l’endroit où se trouve la porte, et d’autres blocs y sont appuyés perpendiculairement, de façon à réduire l’espace du plancher utilisable à un rectangle s’étendant de la porte au centre de l’iglou. En arrière, l’on forme une plate-forme unie, élevée de dix-huit pouces au-dessus du plancher ; celle-ci forme le lit de la famille, où l’on se tient continuellement, les plates-formes latérales étant utilisées pour y déposer les viandes, les ustensiles de cuisine et les lampes. Dans la paroi opposée au lit se taille la porte, de dix-huit pouces carrés. En avant de celle-ci se construit le porche, dans lequel l’on entre à quatre pattes. »

« Pendant ce temps les femmes démontent le toupie, apportent la literie et les ustensiles de ménage. Avec les peaux de phoques de la demeure d’été, l’on tapisse l’intérieur de la hutte de neige, laissant entre les murs de celle-ci et le mur intérieur ainsi formé, une couche d’air de quatre pouces, qui aura pour effet d’empêcher la neige de fondre et de tout mouiller à l’intérieur. Le lit se fait en déposant sur la neige plusieurs épaisseurs de peaux de rennes tannées, mais dont le poil n’a pas été enlevé. La lampe est ensuite mise en place. Si la hutte est grande, on en emploie deux. Elles sont toujours placées sur les plates-formes latérales et reposent sur des os de baleine enfoncés dans la neige. Elles sont faites de pierre ponce. La lampe, de forme triangulaire, est longue et étroite, les côtés du triangle étant concaves. La surface supérieure de la lampe est creusée, formant un réservoir dans lequel est placée l’huile. Une mèche de mousse sèche et de tondre pulvérisé est posée sur le bord concave de la lampe et pressée adroitement avec un os pour lui donner la forme requise, après avoir été imbibée d’huile. Ce travail préparatoire fini, on l’allume avec un briquet. La flamme est d’abord très basse, mais la chaleur réchauf-