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Il n’est pas croyable que l’Allemagne se dépouille du jour au lendemain de sa faculté de haine. La haine, des Allemands l’ont inscrite, dans le long catalogue, dressé par eux, des vertus allemandes. La haine, ils l’ont célébrée dans des strophes sinistres qu’ont récitées, que récitent sans doute encore garçons et filles dans vos écoles. La haine, elle éclate dans les transports de joie sauvage qui ont salué la destruction du bateau Lusitania. « Nous autres, Allemands, disait Henri Heine, nous haïssons longuement, profondément, jusqu’au dernier souffle. » Et celui qui recueille le dernier souffle y aspire la haine. À son tour, il la transmettra.


Ne nous parlez pas de « justice » ni de « droit ». Votre Bismarck, vos philosophes, vos historiens, leurs disciples, connus et obscurs, innombrables, ont enseigné ou cru que le droit est créé par la force. Si, invoquant ces mots sacrés, droit, justice, vous essayiez de nous convaincre que vous êtes convertis aux idées qu’ils représentent, nous répondrions : « Il n’y a pas bien longtemps ; ce ne peut être qu’après que vous avez conclu votre traité de Brest-Litovsk et votre traité avec la Roumanie. » Et puis,