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les vingt-quatre heures. Le commandement militaire prévoyait un désastre, et parce qu’il vous a été épargné, vous avez dit que vous étiez invaincus, et vos troupes ont été reçues à Berlin triomphantes. Au vrai, vous avez fait comme l’enfant mauvais joueur qui, au jeu de la course, près d’être atteint par son adversaire, l’arrête en levant le pouce en l’air et crie : « Pouce ! Pouce ! »

Donc, ne nous parlez ni de réconciliation, ni de droit, ni de justice, ni de propositions wilsoniennes. Nos épaules se hausseraient d’elles-mêmes.

Ces mots, vous pouviez les écrire dans vos journaux et dans vos déclarations, les prononcer devant votre auditoire de Weimar ; mais à Versailles, vous parlerez sous le regard d’hommes que vous savez ne pouvoir tromper, et ce regard sera sévère — un regard de juges qui ont à connaître du plus grand crime de l’Histoire.


Messieurs,

Très pénible est votre mission en cette ville de Versailles, où Bismarck et Guillaume Ier, il y a un demi-siècle, triomphèrent de Napoléon et de Louis XIV. Vous allez beaucoup souffrir.