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dit le moribond dire d’une voix faible, dans la pièce à côté : « Aurait-il le don de la musique ? »

Dès son plus jeune âge, il eut un véritable culte pour Weber ; il savait par cœur le Freyschütz et se cachait pour contempler son auteur, qui venait fréquemment voir Mme  Geyer, dont l’intelligence attirait les artistes.

Dès le début de ses études à la Kreutzschule de Dresde, se révéla chez lui un grand penchant pour la littérature ainsi qu’une facilité évidente pour la versification, Eschyle, Sophocle et Shakespeare excitaient vivement son admiration, et il conçut, sous l’empire de ce sentiment, un grand drame dont les quarante-deux personnages mouraient tous au cours de la pièce, si bien qu’il dut les faire reparaître à l’état de spectres pour pouvoir terminer son cinquième acte !

En 1827 il avait été retiré de la Kreutzschule, où il faisait sa troisième, et placé à l’École Nicolaï de Leipzig en quatrième, ce qui le découragea complètement. Il devint fort mauvais élève et négligea ses études pour s’occuper exclusivement de son drame. Il entendit pour la première fois à cette époque, aux Gewandhaus Concerts, les Symphonies de Beethoven et Egmont, qui firent sur lui une profonde impression. Dans son enthousiasme, il voulut écrire de la musique de scène pour sa fameuse œuvre, et se mit à ce travail avec ardeur, à la grande désolation de sa famille, qui ne croyait pas à sa vocation. Pourtant il insista tellement auprès d’elle qu’il obtint de prendre des leçons de musique avec un organiste nommé Müller. Ne doutant de rien, il écrivit une Ouverture à grand orchestre, qu’il parvint à faire exécuter. « Ce fut, dit-il lui-même, le point culminant de mes absurdités. Ce qui me fit surtout du tort, ce fut un roulement de timbales fortissimo, lequel revenait régulièrement toutes les qua-