Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/578

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

y produit parfois une sonorité d’orgue qu’on n’entend que là.

Rien de plus curieux, d’ailleurs, que la physionomie de l’orchestre pendant une représentation ; malheureusement personne, sans exception aucune, n’est autorisé à y pénétrer, la consigne est formelle. Les lampes à incandescence, soigneusement recouvertes d’abat-jour, n’éclairent que les pupitres devant lesquels sont assis les musiciens, la plupart en manches de chemise, car il fait chaud, en juillet, et on y va de tout cœur ; on aime à raconter qu’auprès d’eux s’accumulent des bocks, auxquels on ne toucherait, bien entendu, que lorsqu’il y a un certain nombre de pauses à compter, mais c’est absolument faux. Ce qui est vrai, c’est que lorsque leur partie leur laisse des loisirs, les déshérités de l’orchestre, les Trombones, les Tubas, qui habitent le fond de la cave, grimpent subrepticement, se faufilant à travers les pupitres, pour essayer d’apercevoir, ne fût-ce qu’un instant, un coin de la scène, bonheur réservé seulement à ceux des 1ers et 2mes violons placés à la première rangée, celle du haut.

Seul, le chef d’orchestre (qui, comme les autres, a retiré sa vareuse et sa cravate) est éclairé de face par deux lampes dont les puissants réflecteurs sont tournés vers lui, afin que personne, sur la scène ou dans l’orchestre, ne perde un de ses gestes, un de ses jeux de physionomie ; ce n’est pas sa partition qu’on éclaire, il la sait par cœur et la regarde rarement ; c’est lui, le maître absolu, le seul sur lequel retombe toute la responsabilité de l’ensemble de l’interprétation.

Malgré le talent et la conscience de chacun, malgré la profonde expérience et la conviction des chefs, ce n’est pas sans des études nombreuses et laborieuses qu’on