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on l’a reconnu dès sa première note, sous l’influence de ce timbre caractéristique.

On voit maintenant clairement, je crois, comment, dans le style musical de Wagner, tout concourt, mélodie, harmonie et orchestration, à accentuer et à préciser l’action dramatique : la mélodie, mélopée ou récitatif mesuré, par sa belle diction et le souci constant de l’excellence de la prosodie ; l’harmonie, par ses procédés audacieux et l’emploi des motifs conducteurs ; l’orchestration, par la richesse jusqu’alors sans pareille de son coloris.


Avant d’entreprendre l’analyse de chaque œuvre prise séparément, je voudrais appeler l’attention du lecteur sur la partie purement symphonique qui constitue les Préludes, auxquels Wagner a attaché un intérêt spécial et de nature psychologique, dont ne se doute même pas, hélas ! le public de l’Opéra ; car s’il s’en doutait, il ne profiterait probablement pas de ce moment pour causer plus bruyamment que jamais, se moucher, fermer les portes avec fracas…, il ferait tout cela avant, comme à Bayreuth.

Jusqu’à Tannhauser inclusivement, Wagner, se conformant à l’usage, a écrit des Ouvertures pour ses opéras.

À partir de Lohengrin, ce sont des Préludes, et chaque acte a le sien[1].

Dans les Préludes, Wagner philosophe s’adresse directement à l’âme par la musique ; il lui fait subir une sorte de préparation, il la dispose à son gré, et cela sans jamais donner à ces pièces instrumentales une extension excessive.

Le but d’un Prélude, sa raison d’être, est essentiellement

  1. Une seule exception, l’Ouverture des Maîtres Chanteurs ; mais les Maîtres Chanteurs eux-mêmes sont une exception dans l’œuvre de Wagner.