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telle façon de traiter le chant. » (Richard Wagner, Étude sur Bellini.)

Pour momentanée qu’elle fût, cette impression a existé, et il en est toujours resté trace. Wagner était donc un éclectique ; il savait, dans chaque école, discerner ce qu’il y avait de réellement beau, et vraiment, chez Bellini, ce n’était pas l’harmonie.


Le système harmonique de Wagner se rapproche beaucoup de celui de J.-S. Bach et de Beethoven dans sa troisième manière ; c’est dire qu’il relève plus des procédés du contrepoint que de ceux de l’harmonie proprement dite. Non qu’il les ignore, mais parce que la nécessité de combiner fréquemment les Leit-motifs entre eux, d’une façon simultanée, devait le conduire à placer au-dessus de tout la marche indépendante des parties, telle que la comporte le style fugué ; c’était la seule manière de pouvoir jouer librement avec eux, de les faire apparaître tantôt dans une partie, tantôt dans une autre, en variant sans cesse leurs aspects, de les faire s’entre-croiser, s’enlacer, se chevaucher, courir les uns après les autres comme le font dans la fugue le sujet et ses contre-sujets.

Il nous faudrait entrer dans des considérations trop techniques pour analyser ici la structure harmonique des œuvres de Wagner. Disons seulement que ceux qui croiraient voir dans certains passages des incorrections seraient absolument dans l’erreur ; si quelques enchaînements d’accords sont irréguliers selon les règles strictes de l’harmonie, ils apparaissent d’une logique irréfutable lorsqu’on les considère avec la hauteur de vue du contre-point, d’un contrepoint considérablement élargi et dramatisé, très libre, et enrichi des hardiesses de l’harmonie