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Ondines, sent s’éveiller en lui, à leurs paroles imprudentes, une nouvelle convoitise, celle de l’Or et de la domination ; il escalade le rocher sur lequel brille le trésor et, malgré les lamentations des trois Nixes, s’en empare, après avoir formulé sa renonciation à l’amour : c’est lui qui forgera l’anneau enchanté et détiendra la puissance suprême. Il s’éloigne en laissant éclater un triomphant et sinistre ricanement.

Le fleuve, dès qu’il n’est plus éclairé par son joyau, s’emplit de ténèbres épaisses, dans lesquelles disparaissent les Ondines à la poursuite de l’Alfe[1] ravisseur. Des flots sombres montant de tous côtés envahissent la scène de haut en bas, puis finissent par se calmer et s’éclaircir ; ils font place peu à peu à un brouillard, qui se dissipe et découvre, éclairée par le jour naissant, une contrée rocheuse traversée au second plan par la vallée au fond de laquelle coule, invisible, le Rhin. Au loin se dresse, sur le sommet d’une montagne élevée, un Burg aux multiples coupoles étincelant aux rayons de l’aurore.

Scène ii. — Le dieu Wotan et son épouse Fricka, reposant sur un tertre, s’éveillent et contemplent l’édifice que viennent de construire, sur les ordres du dieu, les géants Fasolt et Fafner. La récompense promise pour ce travail par le Maître de l’univers, et à l’instigation du rusé dieu Loge, doit être Freïa, la déesse de la jeunesse, de l’amour et de la beauté, sœur de Fricka et des dieux Froh et Donner ; mais Fricka est effrayée à l’approche de l’imminente échéance, car les géants vont venir réclamer leur salaire ; elle reproche à Wotan l’engagement inconsidéré qu’il a pris, et la construction du palais qu’elle-

  1. Les Alfes (ou Albes) sont des génies tantôt supérieurs et beaux : les Alfes lumineux ; tantôt inférieurs : les Alfes ténébreux, « plus noirs que la poix ». Alberich était un Alfe noir.