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après avoir fait à Eva une prétentieuse révérence, commence sur le thème de sa sérénade une adaptation de ce qu’il croit être les paroles du manuscrit dérobé ; mais la mémoire lui fait défaut, il s’embrouille, perd toute suite dans les idées et se met à débiter un flot de paroles incohérentes qui constituent les coq-à-l’âne les plus ridicules et exorbitants.

La foule stupéfaite commence à chuchoter ; lui cependant ne perd pas son aplomb ni sa prétention, et continue de plus belle, confondant, interposant ou dénaturant tous les mots de la poésie, formant ainsi des phrases extravagantes ; les chuchotements du peuple s’élèvent et finissent par se fondre en un bruyant éclat de rire. Le greffier ainsi bafoué se retourne furieux vers Sachs et le dénonce à tous comme un fourbe et un traître qui est l’auteur de cette œuvre grotesque. Hans ramasse avec calme les feuillets que Beckmesser a froissés et jetés à terre, et, déclarant qu’il n’est pour rien dans cette poésie, désigne, en montrant Walther, son véritable père ; à l’appui de son dire, il enjoint en même temps au jeune chevalier d’en donner la preuve en chantant sur les paroles de ce poème la mélodie qui a été faite pour l’accompagner. Il passe aux Maîtres le manuscrit, et Walther, qui s’est élancé d’un pas délibéré vers le tertre, commence son Chant, formé de trois strophes.

La première de ces strophes célèbre le jardin merveilleux, resplendissant à la lumière du matin, dans lequel lui est apparue la femme qu’il aime, son Eva, qui résume pour lui les délices du paradis. La deuxième chante l’onde pure et la source sacrée vers laquelle l’a guidé sa muse, l’envoyée du Parnasse. Enfin la troisième exalte à la fois l’amour et la poésie, puisque c’est sous les traits de la bien-aimée que s’est montrée à lui l’inspiratrice, la