Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

met encore toute son âme. Il en faudrait un troisième ; mais le chevalier saura bien l’édifier au moment même du concours ; il s’agit pour l’instant d’aller revêtir ses vêtements de fête, car l’instant solennel approche. Sachs, plein de confiance sur l’heureuse issue de l’épreuve que va aborder son protégé, lui ouvre la porte de la chambre et le fait passer, avec un air de grande déférence.

Scène iii. — Beckmesser paraît alors à la fenêtre et, ne voyant personne, se risque à entrer. Il est en grande toilette, mais a une démarche piteuse, qui se ressent encore de la volée que lui a administrée David la veille. Il boite, se frictionne les membres et paraît furieux ; il fait des gestes de colère en regardant la maison de Pogner et la fenêtre d’Eva, puis il va et vient, et tout à coup s’arrête en apercevant sur l’établi le papier sur lequel Sachs vient de griffonner la composition de Walther. Il la parcourt indiscrètement et laisse éclater sa fureur, croyant que le cordonnier est l’auteur pour son propre compte de cet essai poétique. Puis il cache précipitamment le papier dans sa poche, car il entend s’ouvrir la porte de la chambre ; c’est Hans qui arrive, paré aussi de ses habits de fête et qui, paraissant heureusement surpris de sa visite, lui demande, sur un ton de malicieux empressement, comment il se trouve des souliers terminés et livrés la veille. Hélas ! les semelles qui ont servi de cible aux coups du marqueur improvisé sont bien minces et ne préservent guère leur propriétaire des cailloux du chemin ; mais c’est bien de cela vraiment qu’il s’agit ! Le greffier déclare à Sachs qu’il voit clair maintenant dans son jeu et lui revaudra quelque jour sa traîtresse plaisanterie de la veille, plaisanterie destinée à le ruiner, lui, Beckmesser, dans l’esprit de la jolie Eva, et au contraire à servir les projets ambitieux du cordonnier près de celle dont il convoite et